L'histoire :
13 juin 1848, sur le port de Whitby Harbour, Yorkshire, en Angleterre. Il est 23 heures et le capitaine du port n'a jamais vu un tel bazar : voici qu'un navire se présente et décharge sa cargaison, à une heure pareille ! L'officier ne décolère pas. On ne décharge pas sans autorisation, et qui plus est, en pleine nuit ! Il n'a jamais vu cela ! S'habillant en toute hâte, il court vers les quais et cède à la colère. C'est ainsi que quelques instants après avoir enfilé son long manteau, il hèle l'équipage en plein travail et hurle de tout arrêter immédiatement. Il demande aux matafs qui est le responsable. Ce dernier se présente à lui, Docteur Moreau, émissaire du Comte Zaroff. Il lui tend une liasse de feuillets qui, selon lui, constituent les formalités signées par Zaroff lui-même. Mais le Capitaine indique qu'il manque des pièces et que, compte tenu du fait qu'il s'agit donc à ses yeux d'un débarquement impromptu, il lui revient de faire une inspection. C'est à dire ouvrir des caisses et constater ce qu'elles contiennent. Le capitaine va faire son office, mais il ne sait pas que ce sera la dernière fois...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans le cahier final « pour aller plus loin », Philippe Pelaez nous livre des clés de lecture de ce second volume du triptyque. Il évoque tout d'abord l'incontournable figure littéraire de H.G. Wells, puis développe les archétypes qu'on retrouve dans son récit. Le thème du savant fou, dont le rêve est de devenir l'égal de Dieu. Celui des fantasmes du corps, nés du spectacle des Freaks et autres monstres de foire, depuis le XIXème siècle. Moreau nous parle donc d'un savant fou, qui veut disqualifier Dieu. C'est une histoire dont l'écriture épouse strictement celle des récits auxquels elle rend hommage. Elle est construite sur un crescendo dramatique propre aux romans d'aventure, tels que Jules Verne, autre « père » de la Science-Fiction, pouvait les écrire. On retrouve donc le tandem Zaroff-Moreau et l'invitation qu'ils lancent à Mary Shelley, Emily Brontë, Charles Darwin et Richard Burton, l'érudit britannique. Tous ignorent, bien sûr, la cause réelle de la macabre invitation. C'est la révélation de leur plan, dans leur manoir à vous glacer le sang, qui fait de cet opus un drame au climax quasi théâtral. Ce spectacle ne serait pas si beau ni intense sans un Carlos Puerta aux compositions époustouflantes. Ses planches sont comme des tableaux animés. L'espagnol, qui se charge aussi des couleurs, insuffle un jeu d'ombres et de lumières qui passe par de superbes déclinaisons chromatiques. L'image est en totale harmonie avec le texte. Le rideau tombe sur les savants fous, la vérité surgit, annonçant le dernier volume de la série, qui sera consacré à Mary Shelley. Vivement !