L'histoire :
En février 1966, un haut cadre de l'usine Cadillac Motors de Detroit répond à sa femme au téléphone en pleurant. Il annule ses rendez-vous auprès de sa secrétaire, traverse les ateliers le regard vide et prend la route de la campagne, par une météo neigeuse. Il finit à pied, en faisant du stop. Il demande au routier qui passe par là de le conduire vers l'ouest, sans destination précise. Un mois plus tard, son épouse Lucille engage un détective privé pour le retrouver, un certain Jack Cool. Elle sait que ce dernier a travaillé pour son mari, car elle a retrouvé une dizaine de talons de chèques à son nom. Elle veut comprendre les raisons de cette fugue incongrue, et aussi savoir ce qu'il dissimule sous le gant noir qui ne quitte pas sa main gauche depuis son retour du Vietnam. Cinq mois plus tard, notre cadre fugueur débarque au sein d'une communauté hippie établie dans une clairière. Il est très sale, il a le regard hagard et ne parle quasiment pas. Son apparition soudaine, innocente et la teinte grise de sa peau, incite la petite communauté a le baptiser « Jésus-Gris ». L'enthousiasme suscité par le LSD et leur philosophie de tolérance, les incite à le laver et à s'en occuper. Jésus-Gris intègre ainsi ce groupe de flower-powers bienveillants et extravertis, en prenant logement dans un antique bus rouillé couvert de graffitis.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec Jack Cool, le duo Manini/Mangin nous convoque pour une plongée dans le milieu hippie américain, né du croisement entre le refus de l'engagement militaire au Vietnam et la découverte de substances chimiques qui décoincent la psyché. Ici, tout part de la fugue professionnelle et familiale d'un haut cadre de chez Cadillac – dont nous ignorerons le réel nom tout du long. Il sera d'ailleurs vite baptisé « Jésus-Gris » par la communauté hippie qui l'accueillera. Si ce personnage quasi muet tient plutôt le centre du récit (et de la couv'), son manque de charisme et sa passivité ne permettent pas de le considérer comme un « héros » au sens classique du terme. Un second personnage se détache également un chouya, notamment parce qu'il incarne le titre : le détective Jack Cool, plutôt hippie-compatible. Celui-ci mène une double enquête qui constitue l'intrigue de fond : pour ramener Jésus-Gris à sa famille, mais aussi pour retrouver la fille de l'actrice Jayne Mansfield. Cependant, il ne s'agit pas tant d'un polar que d'une immersion sociale, quasi chorale, dans une époque, dans une mentalité qui aspire à la liberté. Ainsi, le scénariste Jack Manini porte aussi le focus sur le trip des Merry Pranksters (littéralement les joyeux déconneurs), qui ont authentiquement traversé le pays d'Est en Ouest à bord d'un bus, afin de prôner l'amour, la joie, le refus des conventions, et concrétiser cela par d'incessantes fêtes géantes. Le récit suit ainsi un faux rythme, nous laissant avec l'impression bizarre d'avoir un pied dans un paradis artificiel, mais il devrait totalement basculer dans le thriller au cours du second tome à venir. Ce canevas narratif permet cependant au dessinateur Olivier Mangin de livrer une belle brochette de personnages allumés et bariolés, qui évoluent au sein d'une large variété de décors – des villas de luxe des stars aux ambiances satanistes, en passant par la nature fleurie... Quelques séquences sous LSD offrent également la possibilité d'un découpage ondulé des planches. Peace and love, bro'...