interview Bande dessinée

Olivier Mangin

©Glénat édition 2003

Jeune dessinateur oeuvrant aux côtés de Gilles Chaillet sur la surprenante nouvelle série Intox (Glénat Bulle Noire), Olivier Mangin nous a gentiment accueilli chez lui. Non seulement il a répondu aux questions des bédiens, mais en plus, il leur a offert une bière. Un super mec !

Réalisée en lien avec l'album Intox T1
Lieu de l'interview : Lille

interview menée
par
15 décembre 2003

Bonjour, Olivier Mangin ! Pour les lecteurs qui ne te connaissent pas, nous allons essayer de te présenter au mieux. Tu viens de sortir chez Glénat Bulle Noire un premier album, Intox, qui a été apprécié par le public, salué par la critique, et classé direct bédien d'argent sur planetebd.com, seule voie fiable d'information selon les bédiens. Au scénario, Gille Chaillet se livre intelligemment à une dénonciation du 4e pouvoir, et toi, tu en réalises le dessin, dans un style graphique réaliste, régulier et détaillé. C'est une présentation qui te paraît honnête ?
Olivier Mangin : Oui, carrément honnête, très bien, à une exception près : Gilles a travaillé conjointement avec sa femme, Chantal sur le scénario. Elle avait déjà scénarisé à ses côtés un épisode de Vasco et Intox est une idée qui vient d’elle.

Quelle a été la genèse d’Intox ? Comment as-tu rencontré Gilles Chaillet ? Pourquoi Gilles Chaillet ? Pourquoi Olivier Mangin, Pourquoi Intox ?
Olivier Mangin : Après 4 projets successifs refusés par les éditeurs, j’étais un peu désespéré : ça faisait 5 ans que j’avais sorti mon dernier album en tant que dessinateur historique chez Le Téméraire. Puis François Dermaut (dessinateur des Chemins de Malefosse), qui est un ami m’a présenté à Gilles Chaillet, sachant que ce dernier cherchait un dessinateur pour re-présenter Intox à un éditeur. Je dis re-présenter car Intox avait déjà été proposé une première fois avec un autre dessinateur, et à l’époque le projet avait été refusé. On a préparé le projet pendant 6 mois, le temps de trouver nos marques, surtout pour moi qui n’ai pas l'expérience artistique de Gilles. On s'est mis d'accord sur un style de dessin et d'encrage, puis nous avons présenté le projet chez 4 éditeurs différents. Glénat a été le premier à accepter. On se doutait quand même un peu que ça cadrerait parfaitement avec la collection Bulle Noire. Intox, c’est la concrétisation d’un rêve d’adolescent, surtout que la collaboration avec Gilles et Chantal est très agréable. Malgré ses innombrables albums, Gilles est toujours à l’écoute, ce n’est pas du tout quelqu’un de fermé. Il maîtrise complètement son récit. On en connaît le début, on en connaît la fin, et maintenant, ce n’est plus que du découpage et des précisions. Le synopsis est entièrement prêt, même si le découpage évolue encore, puisqu’on était au départ sur 4 tomes et que maintenant, on part sur 5. Il y a un réel plaisir à travailler en "ping-pong" entre le récit et le story-board. C’est une véritable alchimie entre eux et moi : plus nous avançons sur la série, et plus c’est fructueux. D'autant que si le scénario du tome 1 existait découpé et arrêté depuis 4 ans, on avance ensemble sur le tome 2. Je participe au scénario en tant que 1er lecteur et 1er critique.

Au vu de ton penchant pour la BD historique, n’as tu jamais publié auparavant pour la collection Vécu ?
Olivier Mangin : Non, je n’avais jamais dessiné pour la collection Vécu. J’ai été autrefois en contact avec Henri Filippini, mais il n’en était jamais rien ressorti de concret.

Curieusement, le pouvoir des médias a souvent été l’objet de films ou de romans, mais il a rarement été utilisé en BD. Est-ce ce qui t’a séduit dans le scénario de Gilles Chaillet ?
Olivier Mangin : C’est vrai que ça n’a jamais été énormément traité jusqu’à présent, et tant mieux pour nous ! Cette dénonciation du pouvoir et des abus du pouvoir est un sujet qui me plait beaucoup.

Ce type d’histoire correspond-il à un registre dans lequel tu aimerais continuer ?
Olivier Mangin : Je pensais avoir des goûts et des limites au niveau de mon dessin, puisque j’étais passionné par la collection Vécu. Je me suis régalé à préparer un western historique qui n’est jamais sorti, puis un projet de SF typé Delcourt, qui n’a pas abouti. Et aujourd’hui, me voilà sur un polar et ça me plait beaucoup. En général, je préfère les histoires de complot assez large, plutôt que les histoires policières verrouillées en one-shot. Le triangle secret, auquel Gilles a pris part pour un chapitre, en est un bon exemple.

Quand sortira le prochain tome d’Intox ?
Olivier Mangin : Le prochain épisode est prévu pour septembre 2004… si je respecte mon planning de travail !

As-tu d’autres projets que la suite d’Intox avec Gilles Chaillet ?
Olivier Mangin : Non, pas d’autres projets puisque Intox me mène déjà à une échéance de 5 ans. En plus de la BD, je suis directeur artistique à ¾ temps dans une agence de marketing relationnel, sur Roubaix. Mon projet, c’est de réussir à finir l’album en temps et en heure, en essayant de tenir compte de ce qui a été dit sur le 1er album, pour répondre de mon mieux aux attente des lecteurs. Je ne me vois pas ensuite, à plus de 5 ans.

Les critiques étaient constructives ?
Olivier Mangin : Globalement, oui, sauf la toute première (NDLR : Bodoi) En général ce qui a été dit me semble juste. On n’a pas été étonnés.

Le style d’Intox est assez réaliste. C’est un style graphique qui t’est propre ou tu as d’autres styles ?
Olivier Mangin : Non, c’est mon style. C’est ce que j’essaie de travailler de plus en plus. J’espère que c’est un réalisme vivant. Je cours après la souplesse, la dynamique, je vais essayer de faire évoluer ça de mon mieux dans les albums à venir. Comme lecteur, je n’ai jamais été fan des séries à base de ligne claire "classique" du type Alix, Lefranc… Par contre, connaissant maintenant de plus près Gilles, je me rends compte de la masse de boulot et d’exigence personnelle qu’il y a autour de ce travail là. J’essaie d’absorber et de retranscrire au mieux, au niveau de la qualité. Mon style graphique vise à se rapprocher des BD que je lis (ex : Le chant des stryges, Blueberry ou Hermann…). Il a peu de chose à voir avec le style de Gilles, mais il colle particulièrement bien avec ce style de récit.

Pourquoi sur Intox, y-a t-il 2 coloristes et pas toi ?
Olivier Mangin : En réalité j’en fait partie puisque j’ai assuré la finition des couleurs pour les dernières retouches, par exemple des rajouts de matière sur des choses qu’il m’appartenait d’achever parce que l’expliquer aurait pris trop de temps. J’étais à la recherche de coloristes. J’ai mis une annonce sur un site internet, et ce sont eux qui ont répondu sous le nom générique de « Blue Silver ». Ils s’appellent en fait Jean-François Di Giorgio et Frédéric Genet, à l’origine depuis, de la série Mygala chez Nucléa. Malheureusement, ils ne pourront pas assurer les couleurs du tome 2. Je suis actuellement à la recherche d’un nouveau coloriste, et je suis sur une bonne piste. Cela dit, la gamme de couleurs qu’ils ont trouvée est définie, et plait aux lecteurs. Donc on va continuer dans ce style.

Qu’est-ce qui a été le plus pénible à dessiner sur Intox ? La grande roue ?
Olivier Mangin : (rire) La grande roue m’a fait reculer un bon moment ! C’est un exercice technique… presque de la dentelle.
Non, ce qui m’a posé le plus de soucis, en fait, c’est une bête scène d’intérieur, dans un café. En règle général, c’est ce genre de cases qui me paraissent les plus difficiles à faire. Le recul caméra et les perspectives ne sont pas évidentes à gérer, d'autant qu'on travaille tout en perspectives construites avec Gilles (c’est une de nos exigences).

Quel est ton background, tes diplômes ?
Olivier mangin : Après un bac généraliste j’ai enchaîné sur un BTS en arts appliqués à Roubaix, puis j’ai commencé à travailler. En 89, j’ai contacté une maison d’édition installée dans le Nord, Les éditions Brep-Burp (!) plus tard devenues Le Téméraire…. Ils faisaient de l’édition de BD historiques. J’en ai fait plusieurs avec eux, et ça m’a permis de progresser. Dans tout projet, j’ai toujours trouvé un intérêt. Ça s’est achevé sur une biographie de Jean Bart, puis j’ai eu une petite fille…

L’utilisation que fait Pablo des médias pour communiquer le mal-être de la jeunesse dans une région du monde particulièrement pauvre, a quelque chose d’alter-mondialiste. José Bové est ton idole ?
Olivier Mangin : Il pourrait croiser la route d’Intox, mais chut… Non, il y a vraiment focalisation sur le mal que peut faire la télé. Il suffit d’ouvrir la télé pour s’apercevoir qu’Intox est parfois encore loin de la réalité. Personnellement, je suis un peu « téléphobe » et ça me plait beaucoup de « taper dedans ».

Es-tu de la même famille que Valérie ? (Valérie Mangin, scénariste du Fléau des Dieux)
Olivier mangin : Non, je ne suis pas de la même famille que Valérie, ou alors je ne le sais pas. Et nous ne nous sommes jamais croisés.

Si tu étais un bédien, quelles seraient les BD que tu aimerais faire découvrir aux terriens ?
Olivier Mangin : Des albums de Gabrion : La série L'homme de java, et Les rameaux de salicorne, un one-shot chez Casterman, fabuleux, un beau bouquin d’initiation. Une BD de Dumonteuil : Qui a tué l’idiot ?. Ou encore Le Postillon, série de Joëlle Savey chez Glénat. Je garde une certaine tendresse pour cette histoire.
J'aurais également envie de parler de Le Grand Fleuve de Serge Aillery et Jean-Luc Hiettre, (Dupuis).
Sans oublier Chinaman, Broussaille, Souvenirs de Toussaint, etc., etc.
Plus récemment, je me suis particulièrement régalé avec Apocalypse Mania, ou On a tué Wild Bill, d’Hermann. J’étais grand fan des Stryges, mais ça a évolué un petit peu… Enfin, j’ai beaucoup aimé les derniers Mandrill, Bluehope ou certains aspects de Niklos Koda, notamment l’élégance…

Si tu avais le pouvoir cosmique de te téléporter dans le crâne d’un autre auteur de BD, chez qui aurais-tu élu domicile ?
Olivier Mangin : J’ai envie de dire Guérineau, le dessinateur des Stryges et de l’As de pique. Mais j’en laisse 250.000 autres de côté, vu ma passion pour la BD qui est intacte. J’ai beau dévorer 4 BD par semaine, ça me passionne toujours autant. Et le fait d’en faire aujourd’hui me fait découvrir les albums différemment.

Et bien, en tous cas, nous autres bédiens aimons beaucoup ce premier album et espérons rapidement une suite d’aussi bonne qualité. Nous te souhaitons une collaboration des plus prolifiques ! Et un grand merci pour cet entretien !