L'histoire :
Un soir de septembre 1961, un échange de prisonniers a lieu sur un pont de Berlin, au check point entre les deux camps de la guerre froide. L'homme qui retourne vers l'Est est accueilli par ses collègues sous le nom de Gregor Polianov et s'évanouit dans la voiture qui l'emporte. Le lendemain matin, il se réveille dans un mystérieux Village, se dit convaincu de s'appeler Olaf Gustavson et d'être un ingénieur finnois spécialiste des turbines électriques. Sa première journée au village est émaillée de rencontres avec des personnages prévenants et inquisiteurs. Un médecin qui l'interroge sur ses souvenirs d'enfance, une très belle épicière qui dit se souvenir de lui de manière très intime, et deux collègues qui le suivent partout. Pendant ce temps, l'enquête se poursuit au sein de la communauté d'espions, pour tenter de comprendre pourquoi le camarade Polianov semble avoir tout oublié de sa réelle identité, voire même si l'espion qu'ils ont récupéré est bien celui qu'ils pensent…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Beaucoup d'efficacité dans cet album qui se dévore, tant la mise en scène est au point et le rythme maitrisé. Rodolphe nous balade de question en question, instillant le doute dans la première moitié de l'album, puis mettant en place des éléments de réponse dans la seconde moitié. On apprend ainsi à connaitre cet étrange village, qui semble vivre en autarcie et caché du reste du monde, et où des espions de l'Est se retrouvent avant de parcourir le monde sous de fausses identités. Cet album peut se suffire à lui-même, tel un one-shot. En effet, il présente d’une part la galerie de personnages et le concept de la série à venir (?) et d’autre part, il déroule une première intrigue bouclée sur un tome. C'est d'ailleurs peut-être là que se situe la petite déception de l'album : le choix de clore une première intrigue donne un coté précipité à la seconde partie de l'histoire. On devine qu'il s'agit probablement d'un choix éditorial pour permettre de vendre une première « histoire complète », et d'éviter le syndrome des lecteurs qui, face à l'avalanche de nouvelles séries, attendent la sortie du deuxième album pour acheter le premier (avec souvent un prix alléchant à la clé, qui les en blâmerait ?). A moins bien sûr que la fin soit une manipulation scénaristique de plus, et qu’un deuxième opus ne remette tout en cause ; on en serait ravis ! Assez proche des troubles de l’identité de Frontière (par le même couple d’auteur), l'histoire emprunte de nombreux classiques de l’amnésie, comme la série télé Le Prisonnier ou le célèbre XIII. Elle possède toutefois sa touche d'originalité, avec en plus un petit coté rétro parfaitement maitrisé. Le dessin de Bertrand Marchal, très propre et avec juste ce qu'il faut de raideur, confirme le classicisme de l'album. L'ambiance est très réussie et le mystère qui entoure le village est parfaitement rendu par des couleurs anormalement vives et contrastées. Sur ce plan d'ailleurs, la réussite graphique est totale. L'album est beaucoup plus plaisant visuellement que ne l'était Frontière. Un premier album très plaisant, donc, doté d’un réel potentiel de surprises, au sein d'une collection prometteuse. On attend beaucoup de la suite…