L'histoire :
Dans le Londres de 1964, Pete, le leader du groupe rock les « Strolls », va brillamment de succès en succès. Après des débuts difficiles, leurs 45 tours commencent à cotoyer dans les charts les illustres Kinks, Rolling Stones et Beatles. Leurs concerts dans les lieux illustres du « swinging London » deviennent des évènements, et la fortune et la gloire semble à portée de main. Pete ne semble pourtant pas échapper aux clichés qui entourent les stars perturbées du rock : sexe et drogue sont au rendez-vous, avec dans son cas, un élément supplémentaire : de très grosses dettes de jeu. Lors d'une soirée, une très belle jeune femme aborde Pete, lui proposant tout à la fois une nuit avec elle, et ce qui compte surtout pour lui : une ligne de cocaïne. La belle inconnue lui injecte dans le bras une drogue qu'il ne connait pas. Pete se laisse faire et se retrouve, au petit jour, au cœur du Village. Maisons colorées au bord d'un lac, habitants étranges qui répondent aux noms de Pop et Popa, et un mystérieux chef qui, au sommet de la coupole qui domine l'endroit, va expliquer à Pete qu'il n'a pas rempli son contrat.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce nouvel opus du concept Le Village fonctionne sur un principe qui semble devoir devenir la règle de cette série : un endroit secret rempli d'espions et de gens bizarres, dans lequel le personnage principal de l'histoire se retrouve piégé. Comme dans l'opus précédent, tout part d’une histoire apparemment classique (ici les dettes de jeu de Pete) qui bascule dans le mystère autour de son arrivée au Village. Au fil de l'album, sont révélés des éléments de la vie de Pete qui vont expliquer ce qui lui arrive. On en apprend un peu plus sur l'endroit qui donne son nom à la série, dont le contexte de guerre froide se confirme comme l'élément moteur. Si l'album se lit avec plaisir (une histoire complète et indépendante du premier tome), on est confronté ici à la limite de l'exercice des 46 planches. Les 8 pages supplémentaires de la première édition de cet album sont d'ailleurs indispensables pour donner de la consistance aux personnages. Il faut absolument lire ces pseudo-articles de journaux avant l'album, pour que les 3 petites pages consacrées aux Strolls et à leur musique ne semblent pas tombées du ciel. L'intrigue démarrant à la page 3, après un concert du groupe rapidement évoqué, on se dit que le choix d'un chanteur de rock n'a finalement aucun autre but que d'ancrer la série dans les années 60. Visuellement, le style presque rigide de Bertrand Marchal fonctionne bien pour ce contexte légèrement rétro, ainsi que les couleurs de Sébastien Bouet, qui contribuent grandement à l'atmosphère étrange des rues bariolées au bord du lac. Quant à savoir pourquoi et comment les habitants du Village restent tous coincés sur place, s’ils parlent tous anglais comme au bon vieux temps des films d'espionnage, cela fait partie des petites invraisemblances que le lecteur devra accepter. La maîtrise de Rodolphe, scénariste spécialisé dans les intrigues propres et nettes, n'est par ailleurs plus à démontrer. Il tire le meilleur de son contexte, manipule ou déboussole le lecteur avec habileté. Alors on se laisse faire de bon cœur, tout en se disant que Le Village n'est pas encore la série de la décennie.