L'histoire :
Le 15 juillet 1918, la famille Romanov au grand complet est retenue prisonnière des bolcheviks, enfermée dans la villa de l’ingénieur Ipatiev à Ekaterinbourg. L’ex Tsar Nicolas II prend son mal en patience et espère que l’armée blanche, dont la ligne de front est proche, parviendra à les délivrer. En promenade derrière la haute palissade, il confie à sa plus jeune fille, Anastasia, qu’il l’a choisie, elle, pour devenir la future Tsarine. Des documents appuyant cette décision ont été confiés à un allié infiltré parmi les rouges, le jeune colonel Volodine. La journée, malgré la stature du tsar, les rapports sont particulièrement tendus avec leurs geôliers. Nicolas II est tenu pour responsable de milliers de morts du dimanche rouge de Petrograd, en janvier 1905, qui déclencha la révolution rouge. La nuit, Volodine donne un rendez-vous secret à Anastasia et lui avoue tout son amour… semble-t-il réciproque. Il ignore encore que le sort funeste de la famille vient d’être scellé. Dans la nuit du 17 juillet, à 1h40, les Romanov sont réveillés et conduits à la cave. On leur dit qu’on va les photographier pour prouver leur état de santé. A ce moment, Volodine est loin : il ramène vers la villa un camion qui servira bientôt à transporter des cadavres…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans la longue liste des assassinats politiques, celui, infâme, de la famille Romanov (les Tsars de Russie) par les bolcheviks, en juillet 1918, fut à l’origine d’un mythe puissant : la petite dernière, Anastasia, aurait-elle été sauvée ? Dès lors, diverses usurpatrices se sont proclamées grande duchesse et le retour d’un régime tsariste a alimenté les fantasmes au cours du XXème siècle (Don Bluth en a même fait un dessin animé à la mode Disney). Hélas, très récemment, une enquête ADN a radicalement anéantie cette conjecture romanesque (2008). Qu’à cela ne tiennent : l’histoire était trop belle pour les scénaristes Patrick Ordas et Patrick Cothias, qui ont décidé de raconter le postulat. Après tout, venant de Russie, on n’est plus à une manipulation politique près. Avec quelque rigueur historique, ce premier tome met donc en scène l’assassinat des Romanov et le sauvetage in extremis d’Anastasia par un jeune colonel tsariste infiltré chez les bolcheviks. La narration rigoureuse, presque mécanique, qui s’appuie sur beaucoup de voix off descriptives des états d’esprits, réfrène quelque peu le souffle romanesque. Mais l’importance des enjeux et des risques sont palpables et surtout, Nathalie Berr délivre une nouvelle fois un dessin réaliste de toute beauté. La dessinatrice abandonne le contexte contemporain de Borderline pour faire siennes les tenues, architectures, mobiliers à l’époque de la révolution rouge et… l’austérité des mentalités. Car au-delà de la précision et du détail de son trait, qui joue admirablement à la fois d’éléments encrés et d’autres crayonnés, l’ambiance de ce régime flamboyant et néanmoins crépusculaire est finement gérée : colorisation éteinte (par Sébastien Bouet), lumières rasantes, faciès stricts… Le premier tome d’une bien belle trilogie historique en devenir !