L'histoire :
Après un avant-propos explicitant ce choix de combiner témoignages concrets et bandes dessinées, l’introduction rappelle l’histoire récente et la situation politique de la Birmanie.
Une humanitaire raconte son expérience durant 1 an en Birmanie, marquée par les négociations permanentes à mener avec les responsables militaires. En regard, La peur analyse les états d’esprit des forces en présence en Birmanie, avec de part et d’autre des individus déterminés et terrés dans la peur de l’autre.
Le témoignage d’un jeune soldat déserteur est illustré par L’Homme qui court, qui raconte par ellipse la vie de jeunes soldats pris dans la tourmente, contre leur volonté.
Le codirecteur de Earth Rights international explique l’impact de l’investissement de TOTAL sur la région traversée par son pipeline. Matin calme raconte ensuite la chute des étudiants birmans ayant fait le choix de la lutte armée, mais dont le QG est géographiquement gênant.
Au témoignage d’un travailleur forcé, est accolé Le Pays aux mille pagodes, illustrant le voyage de touristes dans une Birmanie apparemment lisse et aseptisée.
Bo Kyi relate sa vie d’opposant et de prisonnier politique. J’étais absent quand je me suis réveillé imagine la vie d’un paysan qui se fait incarcérer et dépouiller, mais qui se résigne et accepte l’injustice.
Une femme rohingya raconte dans quelles circonstances elle a été poussée à fuir la Birmanie pour le Bangladesh. Survie clandestine illustre le quotidien dans les bidonvilles de ces réfugiés misérables et désespérés.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Birmanie, La peur est une habitude est une œuvre ambitieuse. L’ambition du collectif d’auteurs est d’abord de diffuser avec rigueur une information exacte sur la situation en Birmanie. Cette mise au point intervient alors que l’actualité birmane a quitté les feux de la rampe télévisuelle, après avoir occupé une grande place dans les journaux de la fin 2007, et permet de mieux comprendre les conflits qui ont eu lieu et leurs enjeux. Les témoignages permettent également de prendre conscience de la lourdeur de la chape qui pèse sur les birmans et de la violence d’un régime qui n’a rien à envier au Stalinisme des goulags et des purges. Les auteurs ont été également ambitieux dans leurs choix artistiques. Les six bandes dessinées sont toutes construites sur un canevas différent. Souvent poétiques, parfois franchement elliptiques, leur lecture n’est pas immédiate et nécessite parfois la petite explication de texte qui est donnée en début de chapitre. Malgré cela, par un travail d’impressionnisme, toutes réussissent à accentuer le malaise qui est forcément suscité par la violence des différents témoignages. Le choix de la bande dessinée comme instrument artistique au service de la prise de conscience apparaît ici judicieux et réussi.