L'histoire :
Retour sur la Grande Guerre. La guerre, plus simplement. Celles des soldats de toutes nationalités, celles de ces soldats de toutes les professions, à l’exception apparemment des plus aisés, déserteurs légaux, eux. Un monde gris, flou, homogène dans son horreur et qui, pour la plupart d’entre nous restera, on l’espère, incompréhensible, car jamais réellement vécu. L’horreur permanente, bruyante, déchirante. Ce n’est pas l’histoire d’un soldat, encore moins d’une nation, c’est le récit de la guerre telle qu’elle est, a-personnelle et cruelle. « Nous ne sommes rien. Nous sommes treize millions deux cent vingt mille hommes mobilisés. Nous sommes un million cent cinquante deux mille huit cents prisonniers. On ne peut pas s’imaginer. » Deux choses parlent pourtant d’elles-mêmes, au-delà même des histoires le plus souvent gardées muettes. Deux choses : les visages et la terre. Défigurés tous deux. Les visages, eux, restent fermés dans la douleur et l’effort. Le sol, lui, est creusé par les hommes, pour leurs tranchées et par la pluie d’obus, intarissable. L’exubérance du feu dessine pourtant patiemment les contours d’un désir encore plus fort, le désir d’une paix plus silencieuse.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Au centenaire de l’armistice de la Première Guerre Mondiale, Patrick Pécherot et Joe Pinelli nous proposent un roman graphique inspiré du récit-témoignage d’Henri Barbusse, Le Feu. Le livre s’articule autour de la réalité de la guerre, s’attardant sur toutes ces choses qui la constituent : les camarades, les fossés, les boyaux… Ils cherchent ainsi à nous faire ressentir l’inhumanité universelle de celle-ci. Le découpage du récit met particulièrement en valeur le texte et invite ainsi le lecteur à peser la dramaturgie et le sens de chacune des phrases. Un dessin sombre et haché s’inscrit en parfaite cohérence, même si l’on peut y trouver une redondance au fil de l’album. En effet, l’absence de protagonistes, le défilement de visages tirés et de fosses barbelées s’ajoutent, se confondent et perdent ainsi de leur puissance évocatrice, voire même l’attention du lecteur. Certains pourront y voir au contraire une monotonie intrinsèque à la guerre et à son horreur quotidienne. Plusieurs chapitres réussissent cependant à se démarquer, comme le début, qui laisse la place aux soldats ; ainsi que le chapitre sur l’eau qui saisit par sa cruauté. Si les auteurs ont su sans aucun doute porter à leur manière le pacifisme en passant par la mémoire, on peut néanmoins regretter un récit d’une densité inégale.