L'histoire :
Le jour est gris et la bruine entêtante lui fait quelques larmes. Entre deux jours de permanence, il s’’est réchauffé dans le lit d’une gamine dont il avait l’âge, il y a un quart de siècle déjà. Dehors il fait froid. Il a les os glacés. Il s’est fait jeté une nouvelle fois, a remis sa clef sans sourciller et regagné son canapé, en attendant sa prochaine garde. Il ne la reverra plus. Tant pis. Le soir, avant d’aller à l’usine, le vieux flic s’arrête dans le troquet dans lequel il a pris ses habitudes, avant de prendre sa nuit. En sortant, il croise Yobe, le mou, son chef, un brin éméché, un brin menaçant. Il s’en fout. Il va bosser. Le job, c’est une black à la peau huileuse, une toxico avec un trou dans la tête : gros comme le majeur par l’orifice d’entrée de la balle, gros comme les deux poings à la sortie. Le boulot propre d’un 357, un Police Python. Une bien drôle de manière, en tous cas, d’exécuter à domicile une simple technicienne de surface un peu accro. Mais il y a bien longtemps déjà que les énigmes ont cessé de le fasciner. Le collègue qui l’accompagne le fait chier. C’est incontestablement un gros con, promu au groupe criminel à gros coups de pistons. Après, il y a le substitut de permanence, l’identité judicaire, le rapport. Une routine ordinaire qui l’use lentement...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est le polar éponyme d’Hugues Pagan, un ex-flic reconverti dans l’écriture, qui donne le « la » pour cette nouvelle incursion du roman noir dans l’univers de la bande dessinée. Chargé de mettre en musique la partition de ce blues prenant, Didier Daeninckx préfère s’attacher au personnage central plutôt que de s’attarder sur une intrigue policière à proprement dit. Du coup, on pourra reprocher à la 4e de couverture de nous avoir dupés (à se demander si le rédacteur a lu cette adaptation BD et ne s’est pas contenté du pitch du roman originel…) : l’accroche qui y est présentée n’a qu’un écho minime dans l’ouvrage. Il s’agit donc ici essentiellement d’un portrait. Celui d’un flic « rincé », hanté par des mauvais souvenirs, las des collègues et usé par des nuits à toucher ce que l’humanité a de plus glauque. Cette immersion quasi documentaire s’étaye bien de quelques affaires, mais elles restent ultra-secondaires et rien n’est jamais développé. Du coup, on sent qu’il manque véritablement un petit quelque chose pour nous conquérir pleinement. L’approche psychologique est touchante, la dégringolade du bonhomme poignante, flirtant avec les histoires les plus sombres. Au delà, sans autre chose, l’exercice ressemble à du déjà-vu. Ce flic abimé, déjà esquissé dans d’autres livres, films ou séries, ne réussit pas à porter seul le récit de bout en bout. A l’inverse, l’atmosphère qui suinte sur cette centaine de pages est parfaitement installée, nous liant au malaise sans compromission. Le découpage, mais surtout la place faite au texte, y participent grandement : chacun des mots est pesé, chargé d’émotion. Le trait réaliste et contrasté de Mako, confirme cette intention, nous faisant définitivement regretter l’absence d’une intrigue plus élaborée.