L'histoire :
Un soir de mars, Tom, prof d’arts plastiques dans un collège, apprend par téléphone la mort de sa femme, Anna. Cela faisait des mois qu’elle luttait contre la maladie dans un hôpital. Profondément affligé, Tom peine à retrouver goût à la vie. Pour faire honneur aux dernières promesses de voyages tenues avec Anna, il réagit en postulant pour un poste à l’étranger. Il sera affecté au lycée Joseph Kessel de Djibouti. Il est d’autant plus excité par cette aventure, que de grands écrivains l’ont tentée avant lui : Conrad, Monfreid, Rimbaud… Néanmoins, une fois en poste, Tom ne voit guère de différence avec l’enseignement en métropole. Il s’imprègne de la culture locale en prenant des photos et en débutant un carnet de croquis. Un soir, après une journée émouvante passée dans un orphelinat, il s’ennivre dans un bar et rencontre un drôle de type, Fred. Brusque au premier abord, ce baroudeur lui pique son carnet… pour lui rendre le lendemain, en l’invitant chez lui. Fred lui explique qu’il a monté une société de ravitaillement pour les tankers situés en haute-mer. Il lui fait découvrir une bibliothèque de rêve contenant tous les récits de Monfreid – le rêve ! – l’invite à « khâter » (brouter une drogue) en sa compagnie à 5 heures du mat et lui propose de participer à une vraie « aventure »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec cet épais one-shot, Joël Alessandra nous invite à un voyage à moult facettes, entre thriller et carnet de voyage. En embarquant aux côtés de ce prof veuf qui cherche un sens nouveau à sa vie, on slalome entre l’introspection existentielle, la réflexion géopolitique, la peinture culturelle de la région de Djibouti et la piraterie moderne à haute tension. Pour couvrir les 120 planches de ce magnifique roman graphique d’aventures, Alessandra compose certes majoritairement avec son art consumé du dessin séquentiel. A ce titre, son dessin crayonné a beaucoup de chien, une fois magnifié par ses teintes brunâtres à l’aquarelle. Avec cette griffe, Alessandra semble avoir trouvé sa pleine maturité. Mais l’auteur-voyageur intercale aussi des croquis, des photos, des cartes et des extraits de romans dans l’ombre d’Henry de Monfreid. On note d’ailleurs la jolie préface de Guillaume de Monfreid, petit-fils de l’écrivain. L’œuvre est tout d’abord profonde et dense, on l’imagine donc partiellement biographique. Puis elle bascule dans les dernières pages dans l’équipée guerrière sous adrénaline… qu’on espère fictive ! Alessandra avoue avoir voulu partager un petit bout de l’aventureuse et incroyable vie d’un de ses amis, alter-ego du Fred pirate (a priori le « Nicolas » qui signe la postface), tout en transcrivant les ambiances d’une région du monde qu’il connait bien pour y avoir débuté (en tant que coopérant au Centre Culturel Français). Au sortir du bouquin, on apprécie grandement avoir voyagé dans ces contrés envoûtantes et trépidé devant leurs dangers sans quitter notre fauteuil. On apprécie aussi de pouvoir s’interroger sur notre vision occident-centrée du problème de la piraterie somalienne…