L'histoire :
Mahmoud Abu Srour est palestinien. Il vit dans le camp de réfugiés d’Aïda en Cisjordanie. A 25 ans, il tient la petite épicerie familiale : lessive, glaces, bonbons, canettes, épices, serviettes hygiéniques rythment avec lassitude ses journées. Il rêverait de passer sa vie à dessiner, à explorer le monde et aimer sans entraves. Mais depuis que les terres où il jouait quand il était enfant ont été annexées par l’armée israélienne, son regard se contente des souvenirs qui s’amusent derrière la « clôture de sécurité ». « Zone de suture », « barrière anti-terroriste », « muraille de protection » pour ne pas dire mur de la honte obscurcissent l’avenir du jeune palestinien. Pour ne pas sombrer, reste l’envie de retrouver Audrey, une jeune étudiante française qui vient de débarquer pour quelques semaines. Et si Mahmoud a laissé filer étoiles à œil russe, blond de Norvège ou nuque espagnole, il espère garder celle-ci bien plus longtemps. Aussi, ne pouvant rien lui refuser et pour lui « montrer du pays », il décide de l’accompagner chez sa sœur, en territoire israélien. Pour cela il doit franchir clandestinement le fameux mur…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comme il avait déjà si bien su le faire en livrant avec Hosni un récit attachant, Maximilien Le Roy s’efface à nouveau pour confier à Mahmoud, un jeune palestinien, le soin d’aborder la lourde problématique des «Territoires Occupés ». Utilisant là encore crayons, encres et couleurs, comme on le ferait d’un micro ou d’une caméra, le jeune dessinateur lyonnais livre un album reportage. Ce récit, conduit par la touchante voix off de Mahmoud, offre une absence totale de recul qui n’est cependant pas sans intérêt. Ainsi la problématique israélo-palestinienne exposée à fleur de peau par cet « emmuré » ne tarde pas à nous faire choisir notre camp (et du coup, donne l’envie d’aller jeter rapido un œil du coté du contre-argumentaire). Mais il y a autre chose qui nous lie plus profondément que ce traitement militant chevillé. Car ici, à nouveau, c’est l’angle émotionnel qui fait la force de l’immersion : une attache quasi immédiate à un personnage peu ordinaire, pétri de rêve et de souvenirs heureux. Un presque gamin à sensibilité extrême, attaché à sa famille, à sa terre, laissant s’enflammer son cœur pour une blonde européenne et rêvant de vivre de son dessin plutôt que de jouer l’épicier. Sous cet angle, la description est on ne peut plus objective : souffrance, sentiment d’injustice, avenir bouché et absence de liberté nous giflent avec empathie. Cette manière de lire l’album a le défaut (?) de ne plus laisser prendre prise le contexte politique, l’endroit, le combat (c’est le personnage qui touche et pas le problème palestinien). Ce n’était vraisemblablement pas l’objectif de Maximilien Le Roy dont on ressent l’engagement. A moins que par pudeur il n’ait offert à Mahmoud ce cri dessiné, plutôt que de le serrer dans ses bras.