L'histoire :
Le portrait robot d'un flic n'est souvent qu'un pluriel de caricatures. Un tortionnaire latent, une machine à accomplir des missions de contrôle ou répressives. Le bras armé de l’État. Ou bien l'imaginaire collectif épouse le symbole inverse : un officier en civil, passionné et roublard. Le genre de type qui a l’intelligence de flirter avec les limites mais qui sait rester du bon côté. La vitrine fictive du flic renvoie celui en uniforme au rôle de simple figurant. Le bleu qui est là pour amener le café aux « banalisés »... Paradoxalement, les gens aiment les histoires de flic, mais surtout pas les flics. Bénédicte Desforges a pris le parti de favoriser la réalité quotidienne de son métier. Elle témoigne du fait que les flics ont les mains sales. Des mains qui trempent dans la crasse sociale. Être flic, c'est tirer son ticket d'entrée pour les coulisses de la société. C'est accéder à l'envers du décor de nos villes, c'est approcher les endroits dont on détourne d'ordinaire nos regards...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Bénédicte Desforges est flic. Mais elle est aussi auteur. En écrivant tous les jours sur son blog, elle est remarquée par un éditeur qui compile ses scènes de la vie quotidienne d'un flic à Paris. Le bouquin fait un véritable carton en 2007. Cet album en est donc l'adaptation, dont les graphismes ont été confiés à l'excellent Séra. Un dessinateur aux productions à notre goût trop confidentielles, tant son talent est à souligner. Son travail amène un tel supplément émotionnel qu'il relève plus de l'interprétation que de la pure adaptation. Armé d'une documentation qu'on imagine importante et pointue, Séra décline en images le phrasé froid mais profondément humain et réaliste de cette femme flic, rentrée Gardien de la Paix et qui est aujourd’hui officier. On l'accompagne ainsi sur le bitume, de jour comme de nuit. On ne rigole pas vraiment, entre deux interventions, des cadavres, des camés et les prostituées ou travelos. On appelle ça les drames de la vie quotidienne et elle n'en a pas été épargnée non plus... De ce témoignage naît également une réflexion qui se transpose au lecteur. L'objectif n'est nullement de rendre des lettres de noblesse au métier de l'Intérieur (quoique Bénédicte Desforges et Séra y arrivent fort bien), mais de réfléchir à la place de chacun et finalement aux laissés-pour-compte qui finissent par sombrer dans la marginalité, voire dans la criminalité. On entend souvent de la part de flics un discours où ils expriment « faire du travail social ». L'expression est galvaudée, mais ce bouquin essentiel permet de se rappeler qu'ils sont un régulateur nécessaire des rouages de nos sociétés.