L'histoire :
Sur le flanc d’une montagne enneigée, deux jeunes singes « jouent à prier » en se prosternant et en faisant des incantations « Muni muni muni muni muni… ». Fukuto, un vieux singe sage, leur donne alors du coup de bâton pour qu’ils arrêtent leurs conneries. Ils vont se plaindre auprès de leur mère, qui réclame aussitôt des comptes auprès de Fukuto. Pour expliquer ce qu’elle considère comme une « intolérance », le vieux singe commence à lui raconter l’histoire de Nitchii. Jadis, alors qu’il n’était qu’un enfant, il vivait au sein d’un clan dominé par le singe blanc Taro. Taro était violent et impitoyable. Il se réservait la baignade au sein de la source d’eau chaude à lui-même et à la belle Hisayo… et tous les autres singes convoyaient cette double possession. Qu’un seul s’avise à faire trempette dans la même eau qu’eux et il était battu à mort. Nitchii, un singe plus joli-cœur que les autres avaient essayé d’approcher Hisayo : Taro l’avait banni à tout jamais du clan. Cet exil lui avait permis d’assister à un phénomène qui allait révolutionner leur organisation sociale : un trait de feu parcourait le ciel, jusqu’à venir s’écraser à proximité de lui. Au point d’impact, Nitchii avait découvert une capsule spatiale qui fumait. A l’intérieur, il était venu en aide à un autre singe étourdi et engoncé dans une sorte de camisole. Il l’avait détaché de ses sangles, lui avait libéré des bananes d’un curieux appareillage pour le requinquer… puis il avait assisté au petit jeu de ce singe, « Rhésus », auprès de ses congénères. Rhésus disait en effet être venu du ciel et porter le message d’une divinité appelée « Diou ». Il était un prophète, vite adulé et respecté par tous les membres de la communauté…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Etant donné le joli bordel que mettent actuellement les religions à travers le monde, il était sans doute temps qu’un auteur de BD secoue le cocotier sur ce sujet dit sensible. C’est ce que propose Jean-Paul Krassinsky avec un certain courage et non moins de savoir-faire, à travers ce roman graphique de presque 300 pages (qui se lisent vite, tout de même), projet issu d’une lente maturation et d’un plein travail de deux années. Le titre est évidemment parodié du Crépuscule des idoles de Nietzsche, précurseur en l’exercice anticlérical. Cela dit, il ne s’agit pas d’agresser frontalement les croyants, de toutes obédiences. « Bien malin qui pourra deviner de quel livre – Bible, Torah, Coran – chaque invocation provient, tant la phraséologie des textes fondateurs est parfaitement interchangeable ». Comme le fit Ptiluc à son époque avec Ni dieu ni bête, Krassinsky utilise donc une communauté de macaques comme allégorie de l’humanité. L’organisation sociale de ce microcosme zoomorphique est un jour perturbé par l’arrivée d’un individu pas comme les autres : un singe rhésus « tombé du ciel » dans une navette de la NASA (en conformité avec les authentiques essais des années 50-60). Futé et profiteur, ce macaque utilise le « mystère » de ses origines et ses connaissances pour faire croire à tous qu’une divinité existe et régit le monde : Diou ! Les masses sont subjuguées, catéchisées, fanatisées. Les dominants et les malins comprennent rapidement le surcroit de pouvoir que confère cette divinité pratique et toute-puissante. Car en raison de leur prétention à l’universalité, les religions occasionnent un discours politique. La religion, sous-entendu la politique, naissent ainsi chez les macaques, tel un cancer qui pervertit leur organisation sociale. Tantôt cynique, tantôt philosophique, la fable de Krassinsky ne se prend pas au sérieux, mais elle décortique néanmoins les pernicieux mécanismes de l’endoctrinement.