L'histoire :
L’industrie pharmaceutique Duprat a décidé de mettre le paquet pour sa nouvelle campagne : un spot publicitaire montre un soldat qui est en train de soigner les enfants noirs malades avec les médicaments Marshall 2, dits M2. L’objectif est de faire oublier le fiasco du Marshall 1 qui a posé de nombreux problèmes à cause de sa dangerosité. Au siège à la Défense, tout le monde s’affaire. Le patron, monsieur Merchon, convoque Jérémy Labionda pour s’entretenir avec lui. Au même instant, un homme irascible entre dans le bureau. Il s’agit du visiteur médical Guy Farkas, dit « le Teckel ». Monsieur Merchon leur propose de sillonner la France pour prospecter et regagner la confiance d’anciens clients. Jérémy est furieux et n’a aucune envie de se plier à cet ordre. Le lendemain, son patron l’appelle chez lui. Il lui explique le véritable objectif de cette escapade : le Teckel semble ne plus rien faire depuis longtemps et il coûte cher à la boîte. Jérémy doit le surveiller constamment pour faire un rapport quotidien et détaillé sur son attitude. Le voyage s’annonce encore plus pesant que prévu ! D’autant que le Teckel est un rustre et ne supporte pas l’idée de voyager avec un bleu…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Hervé Bourhis continue de surprendre et s’attaque maintenant à la société pharmaceutique. A travers ce récit réaliste dans son fond et stylisé dans sa forme, on plonge dans les affres de la manipulation d’une société en perdition. Dès le début, le ton est donné avec cette publicité artificielle sur des médicaments qui apportent en réalité de graves problèmes de santé. Le décalage se confirme ensuite avec des personnages hauts en couleurs, mais cyniques et inquiétants. Menchon est un businessman sans scrupules et le Teckel est amoral au possible. Jérémy, l’homme naïf et encore innocent, se retrouve en plein milieu de cette société sans foi ni loi. En suivant ses débuts dans la boîte, on assiste à un véritable récit d’initiation où le personnage va perdre petit à petit ses illusions sur la nature humaine. Il faut dire qu’il suit les traces d’un personnage pas comme les autres : Guy Farkas. « Le Teckel » prend toute la place dans cette histoire et fascine par sa personnalité complexe. A la fois rustre et poétique, amoral et désabusé, fêtard et sérieux, violent et romantique, le visiteur médical est d’un charisme étonnant. Imaginez un représentant en médicaments réciter du Rimbaud tout en pensant au sexe entre deux verres de whisky ! L’humour n’est jamais très loin et le duo Jérémy / Farkas offre des passages savoureux et drôles. Ce road-movie original est fort bien mené et tient en haleine tout au long. Hervé Bourhis parvient à planter une ambiance à partir d’une matière pourtant peu glamour à la base. Les deux comparses, au métier plus que banal, se changent en véritables truands des temps modernes et le récit se fait sombre et violent à la fin. On a même le droit à une surprise intéressante et à un retournement de situation inattendu. Le dessin est à la hauteur du scénario. Avec un trait nerveux proche de celui de Christophe Blain, Hervé Bourhis utilise la bichromie pour faire ressortir les personnages et instaurer une ambiance poisseuse et sans espoir. Au final, cette histoire forte et originale ne manque pas d’égratigner notre société. On est loin de la devise d’Hippocrate…