L'histoire :
Depuis que son pauvre Félix s’amuse à l’observer depuis les cieux, la vie de Marie a pris de drôles de tournants. Idem pour la communauté de Notre-Dame-des-Lacs qui semble respirer elle aussi à plein poumons cette vivifiante bouffée de modernité. Pire encore : la propriétaire du Magasin Général est revenue de son escapade à Montréal, en donnant au village entier le gout de la « toune » au rythme de Charleston endiablés. Peu importe qu’il n’y ait plus de Maire, on s’amuse si bien. Marie la première, même si, depuis quelques jours, les matins sont on ne peut plus nauséeux. Serait-il possible qu’elle soit enceinte ? Elle qui n’a jamais réussi à donner un enfant à son pauvre mari, aurait donc un bébé ? Serge, à qui elle se confie, confirme sans tarder le diagnostic. Et peu importe qu’elle ne puisse déterminer si le père est joueur de base-ball ou affublé d’une épaisse barbe rousse. Marie est heureuse comme jamais. Serge s’occupera du « qu'en-dira-t-on ». Et quand le moment sera venu, Marie révélera à tous l’arrivée prochaine d’un « ti-cul » bien à elle. Serge en endossera sans réfléchir la paternité. En attendant, laissant Marie à ce bonheur tout frais, Serge doit s’occuper d’un autre candidat : Réjean, le bon curé de cette sympathique paroisse, qui doute de jour en jour de sa légitimité en tant qu’homme d’Église. Une virée chez le sage Noël est programmée pour y remédier. A moins que…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ça commence toujours comme ça, Magasin Général : une double page en noir et blanc pour nous permettre de décortiquer le travail au dessin du tandem. A gauche, la mise en scène nerveuse et enjouée de Régis Loisel, qui saute délicieusement au visage comme un matin québécois. A droite, la patine ronde de Jean-Louis Tripp, qui offre sa sensibilité et la douceur d’un bon feu de bois. Ensuite, viennent les cadrages, les silences bavards d’émotion et la mise en couleur réalisée avec maestria. Enfin, pour tout autant gâter l’oreille (« intérieure ») arrivent de savoureux dialogues mis royalement en musique par Jimmy Beaulieu. Cette excellente recette attire toujours un copieux lectorat et a déjà joué 5 fois les prolongations. Initialement, la série était en effet conçue pour être une trilogie. Il s’agira sans doute, avec ce 8éme opus, d’un avant-dernier mouvement, pour qu’après ce nouvel hiver – sans homme – à Notre-Dame-des-Lacs, les auteurs bouclent cette aventure à la fois si ordinaire et si riche d’humanité. Une aventure humaine grandeur « nature », avec peu d’effet de manches, et où les amorces dramatiques sont bien vite noyées dans le coton. Dans ce récit souvent réparateur, les « intrigues » n’ont pas d’autre ambition que de mettre en scène la vie et ses reliefs inattendus. Surtout, il s’agit de la confier à une bande de personnages aux contours si attachants, qu’il sera bien difficile de s’en séparer le jour venu. En tête, nous regretterons Marie qui offre, dans ce nouveau chapitre, un ventre rond à sa nouvelle destinée. Ou encore Réjean, le curé malgré lui, qui lui se paie une roborative et salvatrice crise de foi. Voire Serge, aussi solide qu’un roc, auquel nous aimerions nous aussi nous arrimer. Et puis il y a les bigotes, dingos du marteau, les nouveaux amoureux, les éprises de robes colorés, les éternels gamins attardés… Un monde grouillant dans lequel on aime se lover au rythme de cette voix-off sage, dont bon nombre devrait s’inspirer. Rien d’essentiellement nouveau sous la poudreuse de ce village québécois, mais généreusement conté. De quoi ravir les amateurs de la série, une huitième fois...