L'histoire :
Veuve depuis quelques mois, la timide et courageuse Marie continue à tenir la seule boutique de la paroisse québécoise de Notre Dame des Lacs, logiquement appelée le « magasin général ». Epicerie, quincaillerie, mercerie, primeurs… On y vend et achète de tout, pour tous les jours et pour tout le monde. Apprécie de tous, elle est aidée dans son labeur quotidien par le simplet Gaëtan. Jusqu’au jour où un inconnu tombe en panne de moto dans le village, à l’orée de l’hiver. Vue les conditions climatiques, Serge Brouillet, c’est son nom, est alors hébergé pour le restant de la rude saison, dans la remise de Marie, derrière la boutique. Etant donné que les hommes, des bucherons, sont déjà partis pour leur campagne d’hiver, les commères du village jasent et monsieur le curé surveille le bonhomme de près. Car Serge est charitable, éduqué, prévenant, et surtout, il cuisine divinement bien ! En peu de temps, il séduit tout le village et transforme le soir le magasin en restaurant ! Marie, surtout, amoureuse transie, retrouve sa joie de vivre. Jusqu’au jour où les hommes rentrent du bois. Ils découvrent Serge d’un drôle d’œil, et apprécient guère que leurs épouses soient si sensibles à ses attentions et son savoir-vivre. Une sorte de guerre froide des sexes s’instaure alors dans le village. Les femmes soutiennent Serge, les hommes boudent dans leur coin, les familles boycottent un magasin que Marie décide, de toute façon, de fermer jusqu’à nouvel ordre. Serge culpabilise sur ce climat délétère. Il décide de reprendre la route…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On a peu de chances de se tromper en achetant les yeux fermés le nouvel opus de cette succulente série. D’emblée, sur un casting prestigieux et un concept novateur et ambitieux, Magasin général s’est imposé comme l’une des grandes séries de qualité de ces derniers mois. Quelques rares détracteurs ne partagent pourtant pas l’enthousiasme de la majorité, reprochant un certain manque de consistance au scénario. Effectivement, on a connu intrigue plus compliquée… Certes toute simple, cette exquise romance réserve pourtant bien des surprises (cf. le cliffhanger final de ce 3e opus !). On brûle de voir les protagonistes pétris d’émotion s’avouer leurs sentiments. Au delà de ce scénario gentillet, les auteurs dépeignent surtout en trame de fond la petite société campagnarde québécoise des années 20, avec un souci du réalisme et une tendresse abasourdissants. Compréhensibles, tout en respectant le phrasé de l’époque (« Hostie d’câliss’ de tabarnak ! »), les dialogues adaptés en québécois par Jimmy Beaulieu font une nouvelle fois l’objet d’un soin tout particulier. Mais le plus réjouissant reste une nouvelle fois le dessin « à 4 mains », objet même du concept et au cœur du succès de la série. Pour bien se rendre compte de l’étendu de ces talents concertés, il suffit d’acheter ou de feuilleter les albums « making-of », à chaque fois appelés l’Arrière boutique du magasin général. On y découvre en page de gauche les « roughs » initiaux de Régis Loisel, des crayonnés ou encrages assez poussés, qui déterminent le découpage et les cadrages. En vis-à-vis à droite, on découvre la planche noir et blanc intégralement redessinée par Jean-Louis Tripp, qui pousse le souci du détail, les ombres, ajoutant une émotion incroyable dans les traits de visages, les yeux pétillants… Sans compter que s’ajoute encore à cela la colorisation mesurée et élégante de François Lapierre… Un must !