L'histoire :
Sophia déménage souvent, et lorsqu'on lui demande pourquoi elle suit ce train de vie, elle ne sait jamais trop quoi répondre. Elle dit qu'elle suit ses parents qui ont été mutés, mais elle n'est pas sûre de ce que cela veut dire. Actuellement lycéenne, elle vit en Amérique centrale, et lorsqu'on lui demande d'où elle vient, elle répond simplement d'Amérique. Ses parents lui ont appris plusieurs choses dans ses relations aux autres. Lorsqu'on lui demande ce que fait son père, elle répond à son interlocuteur par la même question, sans lui donner de réponse. Car il paraît que c'est en posant des questions qu'on se fait des amis. Et si son interlocuteur lui pose trop de questions, elle change de sujet : elle fait diversion. C'est son père qui lui a appris cela, car les gens sont moins attentifs qu'on ne le pense. Sur tous les sujets, les parents de Sophia restent très évasifs. Si bien qu'elle sent que quelque chose ne tourne pas rond, que quelque chose de trouble se joue au sein de sa cellule familiale. En pleine adolescence, c'est maintenant le fait d'être une fille qui pose problème : ses parents lui interdisent de sortir, lui impose une façon d'être et de s'habiller. Sophia va essayer de se détacher de tout cela pour vivre son adolescence comme elle l'entend.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sophia Glock signe son premier roman graphique avec Passeport, et travaille régulièrement pour le New Yorker, Buzzfeed ou encore Time Out New York. Elle se livre intimement dans ce récit, puisqu'elle y raconte sa propre expérience, son autobiographie, sur sa période de lycéenne, lorsqu'elle vivait en Amérique Centrale. Dès le départ, nous comprenons qu'un secret plane sur cette famille, et Sophia va le comprendre elle aussi. Il y a beaucoup de non-dits pesants, avec lesquels elle s'est familiarisée. Mais en grandissant, elle va en apprendre un peu plus : ses parents sont des agents de renseignements. Pour relater son histoire, en protégeant les siens, l'autrice a dû demander l'autorisation au Comité de publication de la CIA, qui lui a notamment demandé de rectifier certains passages. Le style narratif peut rebuter et peut être perturbant. Il est à la fois assez détaché et distancié, et pourtant immersif. Graphiquement, l'autrice utilise des teintes grises, avec des touches d'orange, qui donnent de la douceur aux illustrations. Les personnages se ressemblent tous beaucoup (et parfois on ne sait plus très bien qui nous avons en face de nous), et leur visage très simplifié leur donne un air vide, peu expressif. Ce roman graphique étonnant relate le quotidien d'une adolescente qui vit dans une famille presque comme les autres.