L'histoire :
Berlin, de nos jours, Elke a préparé un bon dîner pour ses amis. Karsten, l'un d'entre eux, est subjugué par le livre Prendre refuge. Le dîner se déroule pour le mieux, les échanges entre les convives sont empreints de rires et d'empathie. Karsten rentre chez lui avec l'ouvrage que lui a prêté Elke et le dévore littéralement... Nous sommes en 1939, autour d'un feu de camp, au pied des Bouddhas de Bâmiyân, une voyageuse européenne, Anne-Marie Schwarzenbach, tombe amoureuse d’une archéologue. Cette nuit-là, les deux femmes l’apprennent par la radio, la Seconde Guerre mondiale éclate. Berlin, de nos jours, Nelya entre dans un bâtiment administratif pour faire ses papiers, elle qui est réfugiée syrienne provenant d'Alep. Après une longue attente, on lui indique que l'obtention des papiers est impossible pour aujourd'hui. Il lui faudra revenir demain pour l'obtention du précieux sésame, au grand dam de Nelya. Le soir, elle se rend à une kermesse et tombe sur Karsten qui grille des Bratwurst sur un stand... Il s'en éprend, malgré leurs différences.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Au fur et à mesure de la lecture de ce nouvel album de Zeina Abirached (après le très salué par la critique Le piano oriental), Prendre refuge prend tout son sens. Le titre joliment trouvé symbolise la quête des hommes et des femmes de ce monde, à la recherche du sentiment amoureux, et qui le trouvent par hasard, loin de chez eux. « Deux étrangers au bout du monde, si différents » qui se rapprochent inévitablement, s'effleurent, se laissant gagné par l'amour naissant une femme avec une femme, un homme et une femme ! Mathias Énard, écrivain arabophone et arabophile (Goncourt 2015 pour la Boussole, s'il vous plaît !) délivre une belle histoire, à travers ces deux histoires d'amour qui s'entremêlent : les contraires s'opposent, mais on a tellement de choses à apprendre de la différence. L'amour n'a pas de frontières, comme aime l'évoquer l'écrivain qui entre dans la peau d'un scénariste BD pour la première fois, proposant un récit tout simplement touchant, que l'on aurait voulu plus dense par moment, tant il réussit à installer une atmosphère enveloppante. Il n'oublie pas au passage d'égratigner subtilement le fondamentalisme musulman en posant une partie de son récit (une histoire d'amour saphique), à Bâmiyân, là où les talibans ont détruits les trois Bouddhas géants en 2001. En noir et blanc, Zeina Abirached, avec son trait fin dans la lignée de Marjane Satrapi, délivre toute sa poésie dessinée, pour ce roman graphique, en habillant chaque page. Riad Saatouf a signé L'arabe du futur, Zeina Abirached, L'amour du futur...