L'histoire :
Parti en vacances sur une île déserte tropicale, un groupe de joyeux fêtards a été assassiné par un homme déguisé en monstre ancestral africain, le fameux Maboukou. Or tous ne sont pas morts, en fait. L’un d’eux, Jean-Pierre, a miraculeusement survécu au massacre. Seulement voilà : il est inculpé par l’Etat du Kwangala du meurtre des cinq Français disparus à Rocher-Rouge alors que les corps n’ont même pas été retrouvés. Et bien entendu, les autorités ne croient pas une seconde à sa version du Maboukou haut de trois mètres... Peu après, Jean-Pierre rejoint l’ambassade de France et rencontre Forsell, le père d’Eva, qui ne croit pas à la mort de sa fille. Et pour cause : celle-ci semble l’avoir appelé d’un hélicoptère alors qu’elle tentait de s’enfuir. C’est décidé, Jean-Pierre, aidé par Forsell et son avocat Deschamps, décide de retourner sur l’île pour y chercher la vérité et peut-être d’autres rescapés. Une crainte toutefois : retrouver le corps d’Eva sans la tête, car le monstre décapite ses proies… Le cauchemar est loin d’être terminé et la danse macabre continue. Son décor : le Rocher Rouge et le Kwangala. Ses acteurs : une faune louche et bigarrée... Mais bon sang, qui tire les ficelles de ce sinistre jeu de guillotine? Pas forcément celui qu'on attend...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une nouvelle fois, le scénario de Rocher Rouge est plutôt classique, référencé, voire déjà-vu (à la télé, au cinéma) mais impeccablement construit et découpé par Eric Borg. Au menu, un croisement entre horror movie, Lost, Nip/Tuck voire l’île de la tentation, avec des séquences chargées d’hémoglobines et de violence, sur lesquelles plane un soupçon de vengeance, alternant avec des scènes de négociations et de copulation, plongeant parfois dans le sordide sanguinolent, inquiétant et inattendu en fin d'ouvrage. On sent un scénariste bien imprégné de culture série américaine, maîtrisant les ficelles et les codes du genre horrifique, brouillant souvent les pistes pour mieux nous balader ou nous faire flipper. Sa narration survitaminée ne cesse de fuser pour aller à l’essentiel et ménage un suspense angoissant, seulement dévoilé lors d'un cliffhanger final déroutant, pas forcément original mais assez efficace. La tension crescendo est elle aussi intensifiée par des découpages malins et une technique séquentielle parfaitement digérée, jouant par exemple de la narration croisée avec habileté. Quand le paradis se transforme en enfer, on trouve derrière le Rocher Sanglant des chirurgiens louches et cupides, des financiers véreux, des politiciens malhonnêtes et de riches retraités effrayés par la vieillesse. Ici, Renart a remplacé le talentueux Mickaël Sanlaville au dessin. Moins convaincant, celui-ci s’en sort pourtant avec les honneurs : trait énergique et expressif, cadrages audacieux, plans détaillés et postures toniques, le tout dans le style animation. La mise en couleur paraît aussi moins nette, moins contrastée. Mais si Rocher Rouge, à l’image du récent Fléau Vert de Mickaël Sanlaville, ne marquera sans doute pas l’histoire de la BD, il n’en reste pas moins un excellent divertissement, généreux, décomplexé, jouissif et maîtrisé. Juste un conseil : ayez le cœur bien accroché, ça va gicler. Au final, donc, un diptyq… coupez !