L'histoire :
Jadis, sous les tropiques. Un officier somme deux esclaves de ramer plus vite vers cet îlot paradisiaque. En barque, il poursuit un bagnard vraisemblablement évadé, qui accoste à quelques encablures de là sur la plage de sable fin. Terrorisés, les esclaves refusent de poursuivre : ils craignent le « maboukou ». L’un se sauve à la nage, l’autre sera pourfendu par l’officier, qui devra ramer seul jusqu’au littoral. Il s’enfonce aussitôt dans la jungle, suivant la piste du bagnard… lorsqu’il le découvre, à quelques mètres au dessus de sa tête, en train d’être dévoré par un gorille titanesque. De nos jours, un groupe de 6 yuppies urbains accostent sur ce même littoral, pour passer 3 jours de vacances aventurières, un concept marketing qui fait fureur depuis certaines émissions télé. Sitôt sur la plage, ils s’abandonnent à leurs besoins de petits délires, se baignent, se massent, se chambrent les uns les autres… L’un se met à l’écart pour appeler sa maîtresse (il y a « du réseau » !), un autre s’amuse à faire peur avec un masque rituel trouvé sur place, d’autres parlent vaguement business… Leur guide leur raconte la légende ancestrale du Maboukou, qui servait surtout aux brigands à éloigner les curieux de l’île. Puis il les laisse enfin à leur week-end et repart en bateau à moteur...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après une séquence d’intro qui donne clairement le ton, Rocher rouge commence comme un classique du film d’horreur traditionnel : des jeunes urbains nantis et insouciants, voire même légèrement agaçants, choisissent un coin reculé et coupé du monde pour passer un week-end de farniente « à la sauvage ». Evidemment, cette retraite isolée et recherchée se referme sur eux, se révélant un piège atroce… Le récit emprunte tantôt au Vaudeville, (les couples flirtent tous en dehors des versions officielles), mais surtout aux ficelles du film d’horreur. Une sorte de croisement entre l’île de la tentation et Koh-lanta, option hémoglobine et sordide. On pense aussi à la série Lost, en raison du cadre littoral tropical et de l’habileté du scénariste Eric Borg pour brouiller les pistes : y-a-t-il réellement un monstre sur cette île ? Y’aura-t-il au moins un survivant, ou sinon, qui sera le héros le plus endurant ? On s’attend forcément à verser dans l’épouvante, au regard de la couverture relativement explicite de ce one-shot. Ce que montre aussi partiellement cette couverture choc, c’est le ton de la narration employée : moderne, directe, surprenante, très séduisante… Sur un trait moderne, décomplexé et maîtrisé, le dessinateur Michaël Sanlaville ose des cadrages originaux, révélant des points de vue qui lui permettent de jouer avec les perspectives. Il n’hésite pas à utiliser des pleines planches, en général quand la scène est hallucinante (p. 10, p.66, p.96). Enfin, il assoie le tout avec une colorisation en vogue : des teintes éteintes, des associations décalées, et un ensemble néanmoins très lisible et lumineux. Un modèle du genre, à tous points de vue !