L'histoire :
Au début du XXIème siècle, l’incapacité humaine à endiguer sa propre influence sur les dérèglements environnementaux et climatiques, devient flagrante. Des activistes écologiques se regroupent alors sous le nom de Wrath (colère) pour mener des actions terroristes contre les politiciens véreux et les plus nuisibles d’entre nous. Ils flinguent sans scrupules les braconniers qui tuent les rares éléphants restant pour leur ivoire. Ils incendient la tour abritant le siège d’une puissante industrie pétrolifère. Peu importe le nombre de victimes, ils sont des militants pour la cause de la Terre, un intérêt supérieur qui mérite tous les sacrifices. Une grande conférence fait bilan du désastre : montée des eaux, sécheresse entrainant famines, réfugiés climatiques par millions, tensions militaires exacerbées… Des gens se préparent au survivalisme, on les appelle les « preppers ». Parmi eux, le milliardaire chinois Mr Zheng a des intuitions. L’Homme est un parasite de la Terre et un « ajustement » brutal va nécessairement se déclencher (éruption majeure ? pandémie ?). Or pour se prémunir de cette apocalypse, construire des bunkers lui parait vain – si c’est pour s’enfermer dedans et qu’il n’y a plus rien alentours... Son idée, c’est le mouvement permanent. Il vient d’ailleurs de concevoir un train à propulsion perpétuelle. Il propose alors d’effectuer lui-même une sélection d’humains, équilibrés dans leurs compétences et leurs talents, pour prendre place à bord de ce long convoi de 1001 wagons, contenant des serres, mais aussi des milieux naturels capables de contenir toutes les espèces animales et végétales… Quand il voit ça à la télé, Jimmy Dozier, 11 ans, s’inscrit lui et son père sur la liste des postulants…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans les années 80, les trois tomes du Transperceneige scénarisés par Jacques Lob (et Benjamin Legrand) sont devenus cultes dans le registre de l’anticipation post-apocalyptique. Ce long train contenant tout ce qu’il reste de l’humanité, qui roule sans fin à travers des tristes paysages polaires de la Terre devenue glacée, est avant tout une allégorie de la société de classes et de ses astreintes. L’ascenseur social devenu horizontal : plus on s’approche de la tête du train, plus cela signifie qu’on devient un « premier de cordée ». Aujourd’hui que Jean-Marc Rochette revient aux crayons, une suite lui a été donnée (Terminus, scénarisé par Olivier Bocquet) et désormais une préquelle scénarisée par Matz : Extinction. Comme pour La planète des singes – Origines, il s’agit ici d’expliquer ce qui a amené l’humanité à l’apocalypse et comment a germé l’idée d’un train qui roule en un mouvement perpétuel. Une gageure pour Matz, que de donner sens à un contexte aussi baroque, dont l’essence même était factuelle, au service d’une allégorie. Notre contexte authentique de suractivité humaine à l’origine du dérèglement climatique et environnemental, que nous sommes incapables d’endiguer, est un point de départ évident. De là, découlent des activistes écolos sans scrupule, des théoriciens d’une réduction drastique de l’effectif humain, le terreau d’une fin du monde artificiellement générée. De là découle aussi l’intuition du chinois Zheng : se replier dans un bunker est une idée courte. Mieux vaut être en mouvement dans un train qui ne s’arrête jamais. CQFD. On vous laisse apprécier la profondeur de cet argument… La démonstration s’avérait impossible, de toute manière. En dépit de ce point, Matz met tout de même admirablement en scène et en dialogues notre authentique anthropocène au stade terminal. Les activistes, le complot mondial, le chaos environnemental et social font sens avec le pessimisme de rigueur et accordent quasiment un caractère prophétique à l’œuvre mère de Lob. Sur le plan graphique, on retrouve le trait charbonneux de Jean-Marc Rochette, plus statique que jamais, mais inscrit dans une mise en scène parfaitement raccord avec l’ambiance crépusculaire. Le 12h07 à destination de la fin du monde ne s’arrêtera pas en gare : prenez le train en marche !