L'histoire :
Que se passe-t-il dans la tête de Nicole Claveloux ? Et bien des rêves, mais des rêves très étranges. On y fait d’abord la connaissance avec Loïc Lalune, le chef décorateur de l’imagination, Lili et Zizi Frisson : spécialistes des sensations, ou encore Madame Reine Bancale, vieille experte de la mémoire en charge des archives. Et bien sûr, la Grande directrice, Nicole Claveloux elle-même. Mais voilà qu’un soir, débarque Charles Chaposec, responsable discernement du département « Logique et raison ». Un homme rigide qui souhaite effectuer un contrôle de gestion dans le secteur des rêves. Et c’est ainsi que notre joyeuse bande s’embarque dans un voyage haut en couleurs au pays des songes et des cauchemars…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La chose a sans doute été rendue possible par l’hommage qui lui a été fait en 2020 à Angoulême. Lors de cet événement, l’autrice fût récompensée d’un Fauve d’honneur pour l’ensemble de sa carrière et du Fauve Patrimoine pour la nouvelle édition de La main verte, originellement paru en 1978. Une exposition magnifique fut aussi déployée au sein de la non moins superbe bâtisse Renaissance, où nombreux ont dû être les personnes découvrant l’œuvre de cette autrice née à Saint-Etienne en 1940. En tous cas a-t-on pu s’extasier devant les œuvres exposées, presque rococo dira-t-on, tant elles fourmillent de détails colorés. Cela était encore plus juste face aux toiles peintes rarement vues. Nicole Claveloux, consacrée, au-delà de tous ses travaux presse, par au moins deux albums majeurs : Morte saison et La main verte, parmi diverses publications plutôt jeunesse mais toujours iconoclastes, fantasques, irrationnelles. Les éditions Cornélius ont poursuivi ce travail d’hommage avec trois autres albums, accueillant à présent cette nouvelle création réussie. On y retrouve toute la magie de l’autrice, sa folie, et cette abondance de détails, de couleurs, de « fond d’époque » aussi. Car à l’image du papier peint représentant le ciel dans cet album, que l’on détache afin de le retourner, laissant apparaître un coucher de soleil dégoulinant et vieillot, le genre Claveloux pourra surprendre celles et ceux habitués aux colorisations informatiques, aux dessins photoshopés. Ici, sa plume gratte le papier, on le sens, et les phylactères prennent les formes qu’ils désirent, tels des nuages. Tandis que les personnages grimacent, se tordent, et s’arrachent les cheveux. Oui : des cheveux, et de la matière organique : des plantes, des légumes, de vieux landaus, des tignasses, des monstres aussi en veux-tu en voilà. Car c’est bien de rêves mais surtout de cauchemar dont on parle ici. D’ailleurs, tout cela convoque la magie d’un autre rêve, celui d’un certain Little Nemo. Et si, comme Charles de Chaposec, vous étiez venus pour un récit bien carré et propre, vous allez en être pour vos frais, car ça pète, ça grouille, et même ça dégouline. Mais tout cela est joyeux, verbial et plein de poésie enfantine. Quoi que la critique est toujours là, en embuscade. Ce qui donne ce ton si adulte aux BD de Nicole Claveloux, que l’on adore. « Cauchemarrant », comme dirait l’autre.