L'histoire :
De nos jours, un jeune couple visite Venise, à l’invitation de l’oncle de la jeune fille, Paolo Querini. Passionné par sa ville, le bonhomme est une véritable encyclopédie vivante : il connaît la moindre des anecdotes historiques, le pourquoi du nom des rues, des traditions populaires… Il leur raconte d’ailleurs l’histoire véritable de son ancêtre, Pietro Querini, qui fut à l’origine de la spécialité culinaire locale, le baccalà (recettes à base de morues séchées). En avril 1431, sur l’île der Candie (actuelle Crête), Pietro Querini, armateur vénitien, termine alors la supervision de son navire. Il s’apprête en effet à effectuer un long voyage vers les Flandres, afin d’y monnayer diverses marchandises méditerranéennes, de sa production : huile, épices, armes, vin… La mort de son fils, malade des poumons, retarde légèrement le départ. Mais Pietro, particulièrement dévot, voit dans cette tragédie un signe encourageant de Dieu. Il prend donc la mer. Début juin, en s’abîmant sur un rocher, leur coque subit une première avarie, qui les immobilise tout l’été à Cadix, le temps de réparer. Ils en profitent pour recruter et charger à bord 68 soldats, pour parer à toute attaque des génois, de nouveau en guerre avec la Sérénissime. Aux premières rigueurs de l’hiver, et alors qu’ils sont désormais en mer du nord, ils essuient une violente et interminable tempête. Les voiles se déchirent, le gouvernail se détache, le navire prend l’eau, ils sont forcés à hacher le mât… Naufragés à bord de deux chaloupes, ils dérivent des semaines durant, à travers un climat glacial, affamés et assoiffés. Quand ils accostent enfin sur un littoral, début janvier, ils ne sont plus qu’une dizaine. Ils l’ignorent encore, mais ils se trouvent sur les côtes de la Norvège, au nord du cercle polaire arctique…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce petit et épais ouvrage raconte, en noir et blanc, l’histoire authentique du vénitien, qui rapporta de Norvège des morues séchés et fut donc à l’origine de la tradition gastronomique du baccalà à Venise. L’auteur Paolo Cossi tire cette histoire des écrits retrouvés par son descendant, Paolo Querini, qui figure d’ailleurs dans la BD, pour quelques rares séquences contemporaines intermédiaires, en tant que guide touristique pour un jeune couple. En soi, ces séquences contemporaines ne sont pas utiles et contribuent hélas à délayer le souffle épique du périple vécu par Paolo Querini. On comprend néanmoins la volonté documentaire de raccrocher ces faits historiques aux traditions et au patrimoine présents, afin de situer le récit dans une forme de réalité-fiction. Le voyage tourmenté de l’armateur constitue le cœur de l’album, assez prenant. On assiste alors aux préparatifs, on apprend le contexte politique et commercial, on vit le naufrage et l’hécatombe humaine… puis enfin le sauvetage par un peuple accueillant, qui partage et fait apprécier sa production de morue séchée. Tel est pris qui croyait prendre : ce seront les norvégiens qui implanteront leurs coutumes chez le marchand vénitien. Après son terrible Medz Yeghern (sur le génocide arménien), Cossi revient donc là à une aventure plus légère (quoiqu’également bien dramatique), mais toujours située dans une démarche de transmission culturelle. Son trait atypique, semi-réaliste et délié, fait de nouveau des merveilles, agréablement rehaussé d’un classieux lavis en niveau de gris. En bonus, en annexe, 12 recettes de baccalà sont proposées, si le périple vous a creusé l’estomac…