L'histoire :
Il y a bien longtemps, devant l’Empereur de Lhynn, l’Oracle habituellement si peu disert avait longuement parlé. Dans un déluge de lumière et de fumée, il avait annoncé l’arrivée prochaine de l’Elu. Et, de fait, la fin de tout ce qui existait avant sa venue. Et puis l’Oracle s’était tu et sa prophétie avait été oubliée. Pourtant… Trente années passent et dans une forêt giboyeuse, on assiste à la naissance d’une singulière amitié. L’un, armure lourde et monture puissante, offre sa lance à un pauvre lapin, pour un repas frugal autour du feu. L’autre, qui arrive de prime pour le dépouiller, est muni de deux étranges épées douées de paroles et de raisons. Et l’une d’elle justement, nommée Nepher, plutôt que de se rassasier de la chair du chevalier, propose à son maître d’en faire son ami. Pile ou Face – c’est son doux sobriquet – accepte et entame cette nouvelle amitié en trouvant un patronyme à ce Chevalier qui n’en a pas. Sang Elfe, il semble avoir. De Whispers Hill, il vient. Les Elfes diraient, eux, Wismerhill pour faire plus chantant. Ce sera donc son nom. Dés lors devenus d’inséparables compagnons, les deux hommes chevauchent le pays. Au côté de Pile ou Face, Wismerhill gagne un incomparable apprentissage de la chasse et du combat en un interminable jeu de rapines et de batailles. Et puis vient le jour où nos deux amis ont la déveine d’aller jouer les voleurs sur le terrain habituel de chasse du terrible et sanguinaire Ghorghor Bey : un joli tas d’ennuis en perspective…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Première virée dans le savoureux univers des Chroniques de la Lune Noire, cette jolie intégrale ouvre une saga d’heroïc-fantasy qui fut couverte par 14 albums (+ un tome 0 post série), sur près de 19 années. Issu du petit monde des jeux de rôle, c’est François Froideval qui imagine à partir de 1989 un récit largement imprégné de ce parfum. Conan, Dune, Le Seigneur des Anneaux et consorts sont passés par là. La SF et l’heroïc-fantasy bouillonnent avec jubilation. Et Froideval a la bonne idée de nous régaler. Son menu : une équipée singulière au centre de laquelle on apprivoise Wismerhill, un demi-elfe au destin supposé exceptionnel, judicieusement accompagné d’une bordée de compagnons aux profils ciselés pour l’épique, le comique et le surprenant. Tout est là, qui depuis a été largement décliné : un empire en proie aux multiples envies de prise de possession ; des puissances maléfiques avec vilains cornus ; des castes de chevaliers ; des dragons ; de belles épées ; des castels dans les nuages ; des déserts et des rochers ; une profusion de trognes mal embouchées ; des geysers de flammes ; de la grosse magie et surtout une prophétie. Une de celle qu’on tisonne avec malice pour mieux appâter le chaland et qui ouvre ici la saga. Ces 3 premiers albums regroupés font le tour de force des mises en place copieuses dans un déploiement de protagonistes, d’enjeux, d’action et de rebondissements. On se laisse alors avoir, au rythme d’une sorte de road-movie usinant le contexte et ses personnages. À l’issu de ce triptyque, on aura à peine vu le temps passer, tétant l’exercice comme des gamins et laissant Wismerhill avoir vécu ses premiers combats, ses premiers amours, ses premières larmes et désillusions. Sans oublier un premier rendez-vous avec l’Oracle lui proposant vers où cheminer. Et tout ça sans savoir bien encore de quoi il est réellement l’enjeu. Bref, bien qu’un peu daté aujourd’hui, l’ensemble est parfaitement servi (l’impeccable balancement entre ton humoristico-burlesque et emphase quasi-lyrique…) et joliment mis en dessin par un trait mangeant les planches pour sauter à l’œil à tout bout de champ. Une première partie d’intégrale qui nous fait mieux comprendre le succès originel de la série.