L'histoire :
C’est le jour… Ange vient de passer 20 ans derrière les barreaux de Los Olvidados de Dios. Ce cliquetis de serrure qui le sort de sa torpeur annonce son retour à la liberté. Il ne manifeste pourtant aucune joie particulière. Il ne répond pas aux quolibets de ses co-pensionnaires ou des matons. Il prend juste un petit carton avec quelques affaires, avant de quitter sans un mot le pénitencier. Ange est aujourd’hui un homme apaisé. Un homme qui a changé, grâce aux bienfaits de la méditation pour gagner, peut-être, une forme de paix intérieure. En tout cas de la sérénité. Du moins le suppose t-il. Car dehors, derrière une paire de jumelles, il y en a deux qui comptent bien secouer ce petit havre de paix ambulant. Pour eux, le type qui se trémousse sous leurs yeux est synonyme de retraite au soleil avec cocktails, havanes et jolies poupées. Ils sont en effet persuadés qu’avant d’être enfermé, Ange a mis à l’ombre un paquet de fric : quelques 2 millions de dollars provenant du deal qui a mal tourné et l’a justement conduit en taule. Ils le prennent donc en filature, au risque de constater que leur bonhomme ne fait guère de folie : il s’octroie pour nouveau palace la chambre d’une pension miteuse. Pourtant, ils ont vraisemblablement flairé juste, en le suivant pas à pas. Car à la nuit tombée, quelques heures plus tard, Ange est violemment agressé dans sa mansarde par 4 individus lourdement armés. Il est ensuite emmené dans le club du fils de son ex-patron et commanditaire du fameux deal à 2 millions. Nul doute que lui aussi veut savoir ce que sont devenus les billets. Ange, lui, s’en fout pas mal de cet argent. Pourtant…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Efficace, rythmé, avare de chichi et emballé par un graphisme à la patte nerveuse, ce premier tome d’un polar noir prévu en 3 actes se révèle particulièrement captivant. L’accroche scénaristique est pourtant des plus classiques, avec ce taulard à peine sorti de 20 ans de cabane, qui se met sur le dos flicaille et ex-employeur. Tous sont appâtés par un magot de 2 millions de dollars que notre bonhomme aurait planqué avant d’avoir pour horizon une rangée de barreaux. Mais voilà, comme dans un bon film, l’ensemble tire sa force d’une géniale alchimie qui sait mêler à l’intrigue action, charisme des personnages et juste ce qu’il faut de mystère, pour donner l’envie d’aller fourrer son nez dans la suite, dés qu’on en aura l’autorisation. Le tempo est ainsi savoureusement jaugé, qui alterne des poursuites, des gros calibres sur les tempes, des sifflements de balles et d’obus ou des passages à tabac. Et puis qui nous laisse reprendre notre souffle (vraiment ?) à ressorts de flashbacks judicieux, eux-même construisant pas à pas la physionomie de l'intriguant personnage principal. Taiseux en diable, au passé violent, contaminé en prison par le virus de la méditation pour se construire une nouvelle vie, le voilà soumis à moult collisions internes dont il se serait allégrement passé. Cette impeccable ouverture s’offre pour objectif principal de poser l'« univers » et de planter quelques jalons. Elle s’autorise aussi à piquer notre curiosité à coups d’adrénaline et d’interrogations sur les chemins qu’emprunteront chacun des personnages présentés. En bonus, il y a ce trait « griffé », joliment agrémenté de lumière ocre chaude, aux cadrages et perspectives chiadés qui porte avec justesse les intentions du récit : brutalité, noirceur à velléité d’éclaircies et charisme du personnage central. Le tout au tempo d’une course-poursuite au magot, avec de probables nombreuses surprises…