L'histoire :
Haytham n'avait que 4 ans à la mort d'Hafez el-Assad, au début des années 2000. Ecolier sérieux et obéissant, il faisait la fierté de sa famille dans la petite ville de Deraa, au sud de la Syrie, tout près de la frontière avec la Jordanie. Son père, absent de la maison pour aller enseigner les maths au Qatar, semblait réjoui, au téléphone, lorsque le président s'est éteint. Haytham ne réalisait pas encore que le professeur était un activiste féru de liberté. Il commence à le réaliser lorsqu'un an plus tard, revenu en Syrie, de nombreux opposant viennent discuter à la maison, et qu'il voit son père échanger sur les réseaux sociaux, faisant circuler des pamphlets. L'arrivée au pouvoir de Bachar el-Assad, le fils du tyran, n'a pas été très longtemps synonyme d'ouverture du régime. Les Moukhabarat, ces agents du pouvoir en civil qui surveillent les rues et les allées et venues, sont toujours aussi puissants. Ils agissent en toute impunité, procèdent à des enlèvements, sont à l'origine de disparitions et mènent les opposants à la torture, voire à la mort. Alors que dans plusieurs pays, des révolutions pacifiques mettent en péril les dictatures installées depuis des décennies, la voix du professeur Al-Aswad devient de plus en plus forte. Les menaces commencent à peser sur le père d'Haytham, devenu un symbole de l'opposition pacifique au régime. Haytham, le jeune adolescent passionné d'échecs et de basket, va voir la réalité le rattraper. Sa vie va changer radicalement.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A partir de son expérience personnelle et de sa connaissance de la Syrie, Nicolas Hénin a construit un récit tout simple, qui raconte le sort d'un enfant dont le père est un opposant politique. Totalement chronologique, sans effet d'aucune sorte, l'histoire d'Haytham le conduit du jardin familial de son enfance aux banquettes du métro parisien, lorsque sa famille est devenue réfugiée en France. La finesse du dessin de Kyeungeun Park donne beaucoup de force et de naturel à cette biographie, dans un style semi-réaliste dont les visage très expressifs sont très réussis. Il parvient à donner vie aux nombreuses scènes de dialogue en rendant chaque personnage singulier, comme par exemple le répugnant chef de la sécurité politique de Deraa. Une seule case suffit pour que le policier donne tout son impact à cette étape du récit : une posture assurée, un sourire odieux et le tour est joué. Le scénariste ne prend pas le risque d'entrer dans la complexité politique des factions en présence en Syrie, même si l'espoir provoqué par les premiers printemps arabes semble réellement vécu de l'intérieur. Il concentre son récit sur le sort d'un jeune garçon comme les autres, qui fera un jour partie de tous ceux qui viennent chercher un peu de protection en France ou ailleurs. Le parcours d'Haytham est plein de moments de vérité souvent touchants, mis en scène avec pudeur, réalisme et sans emphase inutile.