L'histoire :
Le 28 juillet 1881, l’alpiniste anglais Albert Frederick Mummery fait route en calèche vers Chamonix. Sur la route, par la fenêtre, il observe attentivement les aiguilles, ces pics montagneux abrupts et vertigineux, où seuls les corneilles et les fantômes osent s’aventurer. A l’arrivée, il est chaudement accueilli par deux guides suisses, Alexander Burgener et Benedikt Venetz. Dès le lendemain, ils montent en convoi jusqu’au touristique Montenvers et se préparent à une ascension. A 11h du soir, ils partent de nuit à la lueur d’une lanterne. Avec mille précautions afin de ne pas tomber dans une crevasse, ils remontent le flanc droit de la Mer de Glace jusqu’à la moraine de la Charpoua. Malade, Venetz rebrousse chemin, tandis que les deux autres poursuivent leur « reconnaissance » de la cime du Grand Dru. Toutefois, au fil des obstacles surmontés un à un, leur approche se transforme en conquête. Rendus euphoriques par leur succès, ils pique-niquent tout en haut, un point de mire idéal pour observer à la lunette le célèbre et inaccessible Grépon, un pic d’une verticalité affolante, composé de dalles lisses et perpendiculaires. Mummery décide à ce moment qu’il le vaincra deux jours plus tard…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Nicolas Debon semble s’être fait une spécialité des exploits sportifs historiques en bande dessinée. Après s’être intéressé au Tour de France 1910 (dans le Tour des géants), le voilà à présent dans les Alpes qui focalise sur les premières et mythiques ascensions réalisées par les pionniers de l’alpinisme à la fin du XIXème siècle. Plus précisément, ce one-shot narre dans le détail la conquête de l’aiguille du Grépon (3482 mètres), le 5 août 1881, par le trio Albert Frederick Mummery, Alexander Burgener et Benedikt Venetz. Excités par sa réputation inaccessible et sa virginité, les trois authentiques héros ont mis quelques jours à parvenir à leurs fins. A la manière d’un thriller haletant, on suit leur préparation, leur mise en jambe sur le Grand Dru, leur échec initial et leur exploit. Les nombreux obstacles, les passages en force sont décrits avec une grande minutie, comme si on y était, au travers d’un gaufrier de découpage resserré (sur une base de 12 cases/planche, modulable). Le plus stupéfiant est l’apparente aisance graphique de Debon sur des techniques de dessin pointues et maîtrisées, a priori toujours à base de gouaches et crayons gras. Les détails réels des parois, les harnachements des alpinistes, leur opiniâtreté… tout est méticuleusement rendu et de fait, ça sent le vécu. Le choix des teintes n’est pas en reste, qui gère admirablement les faces ocre baignées de soleil rasant, les autres bleuies dans l’ombre, la grisaille d’une météo défavorable… Pour qui aime la montagne, c’est un pur bonheur de lecture : on frissonne, on ressent presque des poussées d’adrénaline et on avale un gros bol d’air pur. Les autres seront peut-être refroidis par la technicité ascensionniste que Debon met en scène… voire étourdis par la sensation de vertige qui émane de cette épopée héroïque (la verticalité de la couverture donne le ton !)