L'histoire :
Avril 44, Paris est sous les bombes. Abrité dans une station de métro, Aimé Louzeau, inspecteur de police à La Mondaine, partage son abri avec un officier allemand, une prostituée qu’il vient d’alpaguer et quelques autres bonnes âmes. Tous attendent que le pilonnage soit terminé. Bientôt, une caisse de Champagne dégotée par l’officier aidant, l’ambiance devient guillerette et propulsent Louzeau et sa bande hors de leur planque. Tant et si bien qu’ils entament une drôle de parade, chantante et… défroquée. Pour autant, deux ans auparavant, au 36 Quai des Orfèvres, on commençait à peine à « s’accommoder » de la présence allemande. A l'époque, Séverin, l’un des piliers de la brigade des mœurs, la célèbre «Mondaine », n’a qu’une idée en tête : organiser le « Tour des Quais », une course en bicyclette pour les agents de police, histoire de lui faire oublier l’absence du Tour de France. De son coté, Aimé Louzeau peine à oublier Evelyne Bonnardier, plus connue au Zoothrope sous le sobriquet d’« Eeva » et arrêtée par leur brigade pour ses pratiques contraires aux bonnes mœurs. Néanmoins ça n’empêche pas notre inspecteur de se rendre chez Mme Josepha, une maison close dans laquelle il a ses habitudes avec Valentine – qui « ouvre les cuisses pour qu’il ferme les yeux ». Mais il y a peut-être un peu plus que ça, puisque le jeune inspecteur parvient à lui procurer du plaisir. Tant est si bien qu’il la demande en mariage. Mais Valentine refuse, en indiquant de ne pas lui demander plus qu’elle ne peut lui donner…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il y avait ce Paris d’avant la grande secousse nazie. Il y avait ce petit flic à peine sorti des jupons de maman, sa paire de binocles rondes et son petit melon. Il y avait son patron à La Mondaine mordu de vélo. Et puis des affaires de mœurs un brin marrantes, des collègues savoureux… Bref, une petite musique presque insouciante – débarrassée de sa partition dramatique, gorgée de gentils ou de faux méchants – rythmait un premier tome brillamment ficelé. A peine l’histoire familiale du jeune Louzeau ou sa piquante rencontre avec un drôle de félin (en fin d’album) esquissait les prémices d’un virage appétissant. Sans nous le proposer en épingle, la conclusion de ce diptyque choisit un angle doux-amère joliment travaillé, qui touche avec une incroyable justesse. Fini le tout blanc-tout noir. L’Histoire avec un grand H est passée par là. Paris accueille l’ennemi, la bicyclette et l’inspecteur principal Séverin ne seront plus copains très longtemps. Comme il le dit lui-même, Louzeau l’ancien blanc-bec passe dans le camp des « gentils méchants ». Amours, sentiments, famille, boulot, deuils, nazisme… l’ensemble des « circonstances » ne lui laisseront pas d’autre choix que d’avoir mal et de faire souffrir à son tour, pour simplement faire de lui un être profondément humain giflé par les événements. Reste la belle et incroyable « Eeva », l’ex pensionnaire du curieux Zoothrope… Une fois encore Zidrou sort son artillerie sensible avec une force attractive peu commune. Difficile de ne pas se laisser émouvoir par cette conclusion dans laquelle les silences assoient, les directions font mûrir et la mise en scène capte en permanence l’attention (avec un accessit pour l’évocation du Vel’d’Hiv’). D’autant que le dessin proposé par Jordi Lafebre est une nouvelle fois impeccable. Un peu comme s’il s’agissait de la seconde peau du scénario, avec cette même habilité à nous toucher irrémédiablement. Du grand boulot !