L'histoire :
Sur le siège passager de la voiture à l’arrêt, Violette vit un moment crucial : elle est en train de plaquer Damien, assis à côté d’elle, le regard dans le vide. Il ne dit presque rien, tout perdu, quand elle sort de la voiture en disant qu’elle ne veut plus jamais le voir. Elle retrouve sa petite chambre chez ses parents, son petit job salarié, une vie un peu terne. Elle se demande si elle ne vient pas de faire une grosse connerie. Hélène, elle, a un autre genre de problème : 3 ans qu’elle s’est jetée à corps perdue dans sa thèse. Elle ne pense qu’à ça, ne vit que pour ça, et son directeur de thèse lui impose deux années supplémentaires pour mener son étude jusqu’à son terme. Si son mec la soutient, il commence à en avoir franchement marre de cette « bêche attitude » permanente qui la monopolise. Enfin, Lila, s’apprête à faire un méga coup de pute à sa colocataire et meilleure amie Marion. Sûre de ses charmes et expérimentée en la matière, elle attend que Marion sorte de l’appart pour tirer un coup avec son mec, Marvin. Evidemment, Marion rentre plus tôt que prévu et les surprend en plein acte. Le clash est terrible : Marion déménage, lui en veut à vie et raconte son immonde félonie à toute leur bande d’amis…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’une ne parvient pas à couper le cordon ombilical d’une vie médiocre chez ses parents (Violette) ; l’autre a la sensation de s’enfermer à tout jamais dans le monde estudiantin (Hélène) ; la troisième ne réfrène pas ses pulsions de séductrice, quitte à en perdre ses repères et ses amis (Lila). Trois fils se déroulent ainsi indépendamment tout au long de ce premier tome, à la manière d’un récit choral, jusqu’à se rejoindre dans la toute dernière case. Pour ces 3 jeunes femmes qui se trouvent à l’âge où il faut quitter l’adolescence pour la sphère adulte, le scénario est aussi simple que la vie de tous les jours. Néanmoins, Merwan a la subtilité de souligner ce moment charnière de la vie à travers des problématiques fortes, très authentiques et variées. Pour chacune d’elle, il est question de s’affranchir d’un enfermement. Les plus jeunes se passionneront pour les histoires de cœur, comme de précieux témoignages. Les plus vieux raviveront des souvenirs doux-amers d’une période pleine de promesses et poseront un regard bienveillant, presque paternel, sur leurs propres expériences. Mais au-delà de ces micro-intrigues de vie, que l’on suit avec grand intérêt, Merwan fait surtout une formidable analyse sociologique. Ce faisant, le jeune auteur se positionne dans la lignée de l’œuvre (déjà géniale) de son pote Bastien Vivès (et de la trilogie Celle que… de Vanyda). D’une belle modernité, l’écriture graphique de Merwan, qu’on peut qualifier de cinématographique, est parfaitement aboutie. Des cadrages originaux, des masses de noir côtoyant un trait fin et juste, des décors tantôt chiadés, tantôt en aplats de couleurs, et une mise en scène dynamique, qui joue à merveille des silences pour exprimer énormément de choses. Sans doute ce qui se fait de mieux sur la « nouvelle scène BD ». Le second tome se fait déjà cruellement attendre !