L'histoire :
Au milieu d’un monde arabe secoué de conflits et de basculements politiques, le Liban a été un havre de cohabitation entre de multiples communautés, chassées de chez elles ou nées ici, de toutes les religions. Entre les montagnes et la mer, le petit pays – et en particulier la ville de Beyrouth – grouillent de rencontres improbables, entre des cultures et des personnalités très différentes. Banques, maisons d’édition, commerces, espions, prostituées, la ville regroupe tous les aspects de la vie contemporaine, avec aussi la proximité des drames incarnés par les camps de réfugiés palestiniens. La rue Riskallah se trouve entre les beaux immeubles du bord de mer et le souk, avec ses deux épiceries tenues par deux couples de religions différentes, chrétiens maronites et musulmans sunnites, tout comme les autres petits commerces tous marqués par les origines de leurs propriétaires. Les communautés se parlent avec la plus extrême politesse, se mélangent peu mais cohabitent sans souci. Depuis sa fenêtre, un jeune homme observe les va-et-vient multiples dans une atmosphère miraculeusement préservée de la violence qui touche les pays voisins. Jusqu’à ce que trois frères qui vivent en face reviennent chaque dimanche soir d’un séjour dans les montagnes, et que leur attitude change. Ils ont démarré un entrainement chez les milices chrétiennes. Et un matin, dans le ciel de Beyrouth, trois bombardiers se dirigent vers les camps palestiniens...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La très longue introduction du livre avec ses multiples personnages aux caractères très marqués nous plonge avec précision dans l’ambiance initiale que les auteurs veulent installer. Il faut comprendre à quoi ressemblait le Beyrouth d’avant, sans trop savoir précisément à ce stade comment il a été construit, créé, ni quels étaient les équilibres qui devaient lui permettre de durer. On comprend à travers toutes ces personnalités aux histoires singulières que la ville représentait un équilibre unique, qui va commencer à s'écrouler lorsque la violence arrive. L'arrivée des réfugiés palestiniens dans le Sud du pays lors de la création de l'état d'Israël a mis quelques années avant de devenir l'origine d'affrontements militaires, et le début d'un conflit auquel des milices chrétiennes vont prendre part. Avec ce premier tome on n'approfondit pas l'histoire de ce petit pays, on l'observe tel qu'il est à un moment précis, dans les derniers moments d'une vie privilégiée. Les deux volumes qui suivront vont probablement nous faire entrer dans la complexité du destin du Liban, au cœur du conflit israélo-palestinien. Sélim Nassib est né là-bas à la fin des années quarante. L'histoire qu'il raconte s'inspire de son vécu et va probablement s'étendre au-delà de ses souvenirs personnels. Le travail est unique et ambitieux, très bien construit à ce stade. On espère que les personnages que l'on connait un peu vont continuer de nous accompagner. Les dessins de Léna Merhej sont simples mais évocateurs, avec une mise en page qui incite à l'observation et provoque des temps d'arrêt qui rythment le récit. Ils réussissent à nous immerger dans une époque et une atmosphère particulières, qui va bien entendu se transformer dès les premiers bombardements. Un morceau d'Histoire très intéressant raconté de l'intérieur, à ce stade, sans jugement.