L'histoire :
Au décès de son père, Victor Himmelstoss prend conscience de son rôle d'homme. Son père Rufus était un joyeux fêtard qui brûlait la vie par les deux bouts. L'homme qui courait les jupons et plusieurs lièvres à la fois, avait la folie des grandeurs. Il vivait une vie dépravée et de débauche en claquant toute sa thune, mais aussi celle de ceux qui s'aventuraient à lui en prêter. Belles fringues, jolie voiture, Rufus croyait avoir tout pour séduire et pour mener la vie de ses rêves. Son boulot de représentant d'auvent l'amenait à rencontrer quelques âmes solitaires, auxquelles il offrait son corps plutôt que de vendre sa marchandise. Du coup, à force de fréquenter les salles clandestines de jeux de hasard et délaisser le domicile conjugal, Rufus glissa petit à petit dans un ravin sans fond qui allait le conduire dans la rue, sans domicile fixe. Rufus avait perdu sa maison, mais aussi et surtout sa famille. Lassée de ses absences physique et conjugale, son épouse emmena son fils pour refaire leur vie. Rufus erra longtemps sous les ponts, perdant tout contact avec sa famille. Alors, forcément, quand Victor force un peu sur la bibine, c'est tout son passé de jeune enfant qui resurgit. Le fils se rend compte de l'ampleur du poids du fardeau qu'il porte sans s'en rendre compte, puisque son couple semble, lui aussi, péricliter. Le lendemain d'une soirée bien arrosée, sa compagne vient le tirer d'une cellule de dégrisement, alors qu'un départ en week-end avait été planifié de longue date. L'histoire va-t-elle se répéter ou Victor va-t-il essayer de se reconstruire à travers sa carrière de dessinateur ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le lait paternel porte admirablement bien son titre. Au travers d'une note en fin d'album, Uli Oesterle explique la genèse de son histoire. Au sens propre comme au figuré, car l'histoire de Victor Himmelstoss est le récit fictif de sa propre histoire, avec ses tourments et son flot d'interrogations. C'est en découvrant un peu plus la personnalité de son père qui l'a abandonné qu'Uli Oesterle a décidé de relater la complexité des liens familiaux et affectifs. Le récit est poignant, touchant. Il se raconte dans une grande pudeur où la dignité n'a pourtant pas sa raison d'être, puisqu'il met en lumière toutes les conséquences et les dérives de la déchéance humaine. Une déchéance qui n'est pas nécessairement cousue de fil blanc mais qui se construit de manière abstraite. Et parfois autour d'événements inopinés et inconnus jusqu'alors... Uli Oesterle, l'auteur allemand de cette bande dessinée, a déjà remporté plusieurs prix avec cet ouvrage publié en Allemagne il y a plus de 5 ans déjà. Son édition en français est donc une véritable aubaine, tant le façonnage est soigné. Le dessin n'est pas sans rappeler les traits de Fred ou de Jean-Loup Chiflet. Le livre se lit rapidement et vous embarque dans un flot de sentiments confus, tant le scénario pourtant fictif (selon l'auteur) paraît réel et crédible. L'histoire se décline au travers des nuances de bleus, de noirs et de blancs lorsque le récit est actuel, avec quelques accroches aux couleurs plus vives (jaune et orange). Mais quand la narration se construit autour des méfaits du père, le papier jaunit et les nuances bleues deviennent grises pour bien antidater le propos. C'est ingénieux et très efficace. Vivement la suite de ce livre 1 !