L'histoire :
Sur le muret au fond de l’impasse du Baron Van Dick, il y a longtemps eu une vieille publicité pour des savons. Depuis qu’un garnement a affublé le bébé de la publicité d’une copieuse paire de moustaches en graffiti, cette ruelle a été rebaptisée par ses habitats « l’impasse du bébé à moustaches ». C’est ici qu’en 1932, habite la simplette Camille et son père Augustin, machiniste de locomotive. Ce matin-là, Camille vit sans doute la pire journée de sa vie : elle accouche d’un bébé mort-né, qu’elle comptait appeler Lydie. Le malheur semble s’acharner sur cette famille : Camille est déjà orpheline de naissance… Inconsolable, la jeune femme s’en remet à la statuette de la vierge, nichée en façade d’une des maisons de l’impasse. Quelques jours plus tard, elle est subitement radieuse et annonce en fanfare que son bébé est… revenu ! Merci les anges du ciel ! Perplexes, les riverains comprennent rapidement que Camille a perdu la boule. Elle cajole un bébé invisible, persuadée qu’il est bel et bien dans ses bras. Les premiers temps, chacun tente à sa manière de lui faire entendre raison. Mais devant l’infini bonheur de retour sur son visage, ils réalisent que la vérité est trop cruelle. Avec tendresse et compassion, ils entrent dès lors tous dans son jeu…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Chaque œuvre du scénariste Zidrou se caractérise généralement par un immense talent pour communiquer les émotions. Dans ce registre, on atteint avec ce superbe one-shot de la collection Long Courrier, un paroxysme ! Lydie est l’histoire bouleversante d’une simple d’esprit qui perd définitivement la raison sur un plan précis de la réalité : elle s’imagine son bébé, alors que celui-ci est mort-né. Devant l’incommensurable bonheur affiché par cette ingénue mythomane à l’idée de cette existence ressuscitée, toute la petite communauté de quartier rentre dans le jeu du bébé fantôme et de son éducation… durant de nombreuses années. Très logiquement, ce contexte inédit et particulier est le terreau de multiples bouffées d’émotions, à chaque étape de la croissance ou des épreuves de la vie. De nobles valeurs comme l’humanité, la solidarité, la compassion transcendent le propos, mis en relief d’admirable manière par Jordi Lafebre. Pour (seulement) son second album, l’artiste ibérique frappe fort. Son style semi-réaliste est d’une grande justesse, sa colorisation aux teintes sépia parfaitement dans le ton. Les personnages sont tous terriblement attachants et campent solidement leurs rôles. Astucieusement, c’est une statuette de la vierge, la « Madone à l’enfant perdu » qui sert de voix-off… Les symboles et la poésie qui irradient cette histoire bouleverseront plus d’un lecteur sensible.