L'histoire :
Les années 80 sont marquées par l'arrivée au pouvoir de Mitterrand. C'est aussi un tournant dans le monde de la bande dessinée. Le journal Pilote n'a plus le monopole, la BD tombe dans le monde adulte avec des journaux comme Métal Hurlant, Circus, L'écho des Savanes, Fluide Glacial. Pour réagir face à ce changement, Pilote fait peau neuve avec un nouveau rédacteur en chef pour remplacer Greg : Guy Vidal. De nouveaux auteurs alimentent le journal avec des idées plus subversives et une critique plus acerbe de la société et de la politique. Mais un plus grand danger menace le journal dans la fin des années 80. Les journaux reculent au niveau de leurs ventes, on préfère acheter des bande dessinées. Pour faire face à la crise et aux difficultés économiques du journal, Pilote met de côté l'actualité et les rubriques quotidiennes (Pierre Desproges quitte d'ailleurs l'équipe) et se concentre sur la bande dessinée. Paraissent alors des feuilletons et des planches de futurs albums. Pilote tente de maintenir le cap envers et contre tout...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le quatrième recueil consacré au journal Pilote continue de retracer son histoire à travers de nombreux extraits. Cette fois, l’album volumineux fait un florilège des publications du journal dans les années 80. A l'époque, les temps changent et le journal fait peau neuve. De nombreux auteurs sont partis, seuls Greg ou F’Murr sont encore là. La thématique du journal colle beaucoup plus à l’actualité et se concentre sur des personnages proches de notre société. Fini l’humour léger ou les aventures au long cours. Cette fois, l’humour devient très corrosif avec l’univers décalé et sinistre d’Edika ou la critique de Cabu avec le Grand Duduche. La plupart des histoires sont extrêmement réalistes : Christin se fait un nom avec ses portraits élégants d’une société bourgeoise, tandis que le dessin de Boucq croque les bas fonds ou les quartiers malfamés. Martin Veyron évoque les sensibilités féminines, tandis que Lelong et Barré se moquent des vieillards. Gibrat met en lumière la jeunesse et Ferrandez raconte une étrange histoire de tricheurs qui cherchent des gros sous. Autre signe des temps modernes : le graphisme évolue et de nombreux dessinateurs osent des styles différents. On voit ainsi le trait caricatural de Lauzier, le surréalisme de Montellier ou le graphisme anguleux de Baru. Des artistes se mettent au noir et blanc, certaines planches sont sublimes. On découvre également les premiers pas de futurs grands comme Caza, qui propose des réalisations oniriques de toute beauté. Le ton est souvent nettement plus cruel qu’auparavant, la nature humaine est considérablement écornée. Les antihéros font leur apparition : on suit tantôt un escroc, tantôt un jeune lycéen paumé ou des moutons complètement déjantés. Entre deux histoires, l’intégrale offre un intermède publicitaire avec les réclames de l’époque constituées de photos anciennes et parfois cocasses. On retrouve également certaines pages de Jean Solé qui n’a pas son pareil pour dessiner une situation choc et impressionnante. Les nostalgiques de l'antique esprit du journal Pilote pourront être déçus de ce virage amorcé. L’album constitue pourtant un formidable témoignage d’une époque et de la mutation de la bande dessinée.