L'histoire :
Dans un monde où l’oisiveté et le regard sur le passé sont interdits, Ebenezer est le surveillant de la résidence Post-Mortem 78955 Lot n°1128.5, au sein d’un cimetière disproportionné, s’étendant à perte de vue. La journée, il entretient sa parcelle, défrichant un arbre par-ci, restaurant une tombe par-là, et le soir, il se délaisse en écoutant de la musique punk sur ses vinyles. Or un jour, les vivres viennent à manquer dans son cabanon et le ravitaillement tarde. Il en avertit ses responsables, à l’aide d’un système pneumatique antédiluvien. Aucune réaction… plusieurs mois durant ! Un beau jour, il décide donc de partir en expédition jusqu’à la ville la plus proche. Après plusieurs jours de marche par un blizzard frigorifiant, il constate avec effroi que de l’autre côté du mur séparant son cimetière géant de la cité, il n’y a plus… qu’un autre cimetière géant ! Décontenancé (et surtout bredouille), il rentre chez lui. Il y surprend un intrus : le Lieutenant de Groin-Embrenne, héros de la Première Guerre Mondiale et revenu à la vie ! Petit hic : son numéro de délocalisation funéraire indique qu’il s’agit du célèbre Soldat Inconnu ! Dès lors, leurs conceptions de la civilisation s’entrechoquent. Rattrapé par ses fantômes, le Lieutenant fuit la résidence, entraînant avec lui Ebezener. Commence alors pour les deux compères la quête d’une vérité qu’il leur sera peut-être difficile à avaler…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans ce 5e volume de la série des Aventures Rocambolesques de…, nous retrouvons avec plaisir l’univers burlesco-philosophique de Manu Larcenet. Ce dernier nous plante d’emblée dans un monde où la « mémoire » de nos mort a été proscrite de nos mœurs, car jugée néfaste au terme de « plein » de guerres mondiales. Résultats : nos morts se retrouvent délocalisés, à l’extérieur des hauts murs de la ville, dans un cimetière infini. C’est là qu’arrive l’impensable : la résurrection de notre Soldat Inconnu ! Avec elle, découle bon nombre de questions : et si le soldat enterré sous notre Arc triomphant ne méritait pas l’importance nationale qu’on lui accorde ? Et s’il était un salaud ? Avec une certaine jubilation, Larcenet désacralise le mythe, montrant qu’il était juste un homme, avec ses peurs, ses doutes et ses fantômes (un comble pour un mort !). L’auteur en profite également pour signer, de sa verve absurde, un puissant pamphlet antimilitariste. Il accompagne son travail d’une B.O. riche en couleurs (et en cris), véritable hymne au punk rock, à l’origine de controverses saugrenues entre les deux personnages (cf. la playlist en fin d’ouvrage). Les dialogues sont riches et variés, alimentés par des joutes verbales à mourir de rire : « Mais qu’est-ce que c’est que ce mort qui vient me donner des leçons de vie ?! ». Côté dessin, Larcenet a de nouveau confié son crayon à Daniel Casanave, qui reprend le flambeau avec succès. De son trait vif et moderne, Casanave colle parfaitement à l’univers graphique de l’auteur. Petit bémol : la colorisation très sobre de Patrice Larcenet ne met pas en valeur le dessin… Enfin, pas de quoi nous priver d’un énorme plaisir à la lecture de cette BD. Et ci s’était ça, le bonheur : écouter Les Rats en lisant du Casanave & Larcenet.