L'histoire :
Ce jour là, les hommes de la tribu des Cherokees chassent le daim. Une poignée de rabatteurs s’est postée face au vent, dans le plus grand silence, tandis qu’une harde se repose dans la clairière, la truffe en l’air, flairant la menace. Soudain, l’attaque est lancée. Les chasseurs se livrent à une course poursuite perdue d’avance. L’un est télescopé, l’autre se prend une ruade dans l’épaule… le troisième, Asgina, attend patiemment que les daims foncent vers lui et décoche sa flèche. Le daim s’effondre, mortellement blessé. Mais au moment de l’égorger, les autres guerriers lui annoncent en se moquant que ce n’est pas son daim : sa flèche à lui s’est fichée dans un boulot, juste à côté. La flèche qui a tué le daim appartient à Equani, un chasseur rival, plus talentueux… et plus séduisant auprès des filles, également. Asgina enrage de jalousie. De retour au village, les chasseurs ne masquent pourtant pas leurs inquiétudes aux sages. Le daim montre en effet de nouvelles marques noires suspectes sur sa fourrure. Quelle est cette maladie étrange ? Les chasseurs auraient ils offensé Awi-Usdi, le dieu des daims ? En marge de ces questions cruciales pour la vie du groupe, Equani se demande aussi qui est cette Washita dont il rêve si souvent…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Prévue en 5 tomes, Washita nous emmène au sein des préoccupations d’une tribu Cherokee, bien avant l’arrivée de l’homme blanc. A l’origine de cette histoire, Séverine Gauthier a visiblement été inspirée par la thèse qu’elle mène sur la souveraineté des nations amérindiennes… Dans cet épisode d’introduction, elle nous immisce au cœur d’une civilisation ostensiblement maîtrisée, elle nous présente le héros Equani (talentueux, séduisant et empli de sagesse…) et ses fourbes ennemis, et enfin, donne la problématique : une maladie du daim, en lien avec le divin. Pour le dessin, Thomas Labourot s’est inspiré de l’art Haïda, cette peuplade amérindienne de la côte ouest canadienne (célèbre pour ses totems). Le résultat est habile et surprenant, à mi-chemin entre sa patte naturelle (qu’il a déjà montré sur Trolls) et de ce style graphique indien particulier… En tous cas, il est travaillé, permet de se distinguer de la masse et d’être synchrone avec le genre abordé. Le dessinateur excelle surtout dans l’art des cadrages, notamment multi-plans, notamment lors des séquences d’action, très dynamiques. Bizarrement, la colorisation infographique de Christian Lerolle est certes très pro, mais elle ne fait pas vraiment ressortir le dessin savamment stylisé de Labourot, écrasant souvent ses cases dans des teintes monochromes (la chasse d’introduction, orange et orange). Autre spécificité intéressante : à plusieurs reprises, en introduction de séquences, le découpage emploie des cases ultra-panoramiques, sur deux pages. Ces choix visuels, alliés à un rythme de narration qui prend son temps, permettent de donner une grande place à la nature, aux ambiances muettes. De fait, malgré ses 56 pages, cette mise en bouche réalisée à 100% par des auteurs de l’atelier « 510 TTC » de Reims, se lit un peu rapidement, mais elle fait mouche.