L'histoire de la série :
La seconde guerre mondiale a pris de drôles de virages : alors qu’Hitler a été assassiné, Goering et Himmler prennent la tête de l’Allemagne nazie. Les Américains s’allient avec les Japonais et commencent à s’armer pour rentrer dans le conflit. Dans le même temps, Staline, allié des Allemands, s’associe avec la Chine de Mao. La seconde guerre mondiale n’est donc plus ce qu’elle était et les cartes sont profondément redistribuées. Luttes de pouvoir, conflits sanglants, actions héroïques ou traîtrises dans l’ombre : le conflit met en lumières soldats comme civils, homme politiques comme résistants venant de tout pays et de tout parti.
L'histoire :
A l’est, tout est nouveau. Les Américains ont du mal à maintenir l’alliance avec le Japon, car ils veulent récupérer des territoires en échange de l’aide apportée. Staline profite de ce flottement et tente de repousser les Japonais. En Chine, Mao renverse Tchang Kai Chek et récupère les armes américaines qui servaient au départ à lutter contre les communistes ! Mao se rallie à Staline et la lutte sino-japonaise est terrible. Les Japonais se battent jusqu’à la mort mais ne peuvent s’empêcher de reculer sous les assauts. Ils tentent à tout prix de garder Pékin. C’est dans ce contexte très tendu que le sous-lieutenant britannique Matthew Hayward arrive à Pékin en 1943. Il doit servir de traducteur, puisqu’il parle aussi bien le japonais que le mandarin. Passionné par l’Asie, il va vite comprendre que sa mission n’est guère touristique.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après la France, la Russie, la Grande Bretagne et l’Italie, cette uchronie de la seconde guerre mondiale emmène son lecteur en Asie. A travers le témoignage d’un gentil britannique blond aux yeux bleus, on découvre l’envers du décor sur le front asiatique. Le début est à ce titre presque idyllique : Matthew explore les trésors chinois et élève même un chien errant… Tout cela vous dit quelque chose ? Le lotus bleu bien sûr ! Réécriture très claire de l’œuvre d’Hergé (le personnage ressemble d’ailleurs plus à George Rémi qu’à Tintin), on aura même le droit à une amitié entre un chinois et Matthew, proche de celle (mythique) de Tintin et de Tchang. La comparaison s’arrête toutefois là car, très vite, le récit bascule dans l’horreur. Le naïf Matthew découvre petit à petit la réalité de la guerre, les atrocités commises par les Japonais et la barbarie des hauts gradés. Le cauchemar devient de plus en plus terrifiant, puisque notre héros, dans une sorte d’initiation macabre, perd tous ceux qu’il aime et finit même par perdre son humanité. Cette peinture d’un héros noble au grand cœur, qui bascule dans l’effroi et la folie meurtrière, est un classique du récit de guerre. L’objectif, avec ce retournement de situation, est de rendre la guerre terrifiante et d’en faire un spectre abominable. Il faut le reconnaître, Hubert n’a pas son pareil pour décrire cette plongée dans l’enfer et la cruauté. Certaines scènes sont presque insupportables tant elles sont crues et violentes. Certes, l’uchronie est fictive mais, comme l’album le rappelle habilement, les Japonais ont vraiment commis des atrocités sans nom à Nankin. Cependant, avec beaucoup de recul, Hubert évite le manichéisme en montrant également l’inhumanité américaine. Ces exactions résument habilement les tensions politiques qui opposaient les différents partis de l’époque. Le dessin d’Etienne Leroux imite parfaitement le mouvement de l’album : les couleurs sont claires au début pour se faire de plus en plus crépusculaires par la suite. Beaucoup de cases renvoient à l’œuvre d’Hergé avec la peinture des murs de la ville et l’activité des Chinois. Le tout est donc profondément marquant et insoutenable : un devoir de Mémoire fort, mais dérangeant.