L'histoire :
En cette nuit du 21 février 1673, une procession funèbre nocturne accompagne le corps de Jean-Baptiste Poquelin, alias Molière, jusqu’à sa dernière demeure. Le célèbre comédien a en effet succombé sur scène de la tuberculose. Un peu à l’écart dans le cimetière de Saint Eustache, un dénommé Scapin aborde une belle femme, Agnès. Il affirme que Molière a été assassiné et qu’il incombe à plusieurs de ses amis, dont il s‘est inspiré pour écrire ses pièces, de faire la lumière sur cet assassinat. Plus loin dans l’ombre, attendent déjà deux hommes, prénommés Alceste et Argan. Dès le lendemain, ils se rendent chez leur financier, Harpagon. Là, Argan explique les indices qui laissent à penser que Molière a reçu une dose mortelle d’arsenic. Forte de ses expériences en matière de spiritisme, Agnès se lance alors dans une incantation rituelle pour faire revenir Dom Juan des enfers : lui seul connaît l’identité du septième membre de l’équipe. Mais à peine Dom Juan s’est-il matérialisé, qu’une troupe de gens d’armes vêtus de noir investissent la maison d’Harpagon. Nos enquêteurs prennent la fuite après avoir échangé quelques passes d’escrime avec leurs assaillants. Peu après, un certain détenu de la conciergerie est exfiltré par des hommes en noir, qui ont pour mission de l’exécuter…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le concept de la collection impose un exercice narratif devenu classique : une équipe de 7 protagonistes doit accomplir une mission en un one-shot de 54 planches. Fred Duval relève ici le gant dans un contexte historique et littéraire : il propose une explication alternative à la mort de Molière (mort sur les planches, comme l’a appris chaque collégien). Astucieusement, le scénariste relie la mort du célèbre comédien à « l’affaire des poisons ». Cette complexe série de meurtres par empoisonnements, sous le règne de Louis XIV, éclaboussera jusqu’à la Montespan et Colbert. L’équipe qui prend en charge l’enquête est alors composée de 7 emblématiques personnages mis en scène dans les comédies de Molière : Argan du Malade imaginaire, Agnès de L’école des femmes, Harpagon de l’Avare, Alceste du Misanthrope, Tartuffe et Dom Juan des pièces éponymes, ainsi que le Scapin des Fourberies dans le rôle plus large du perpétuel valet vénal et rusé (Sganarelle, Laurent, Covielle…). Il faut alors accepter moult pirouettes narratives pour que cette équipe de choc bigarrée trouve son authenticité, son équilibre et sa cohérence (on fait tout de même sortir Dom Juan des enfers…). Une fois en action, il est ensuite amusant de retrouver les célèbres personnalités de chacun, des caractères aujourd’hui entrés dans l’imagerie populaire, ainsi que nombre clins d’œil à leurs pièces respectives. Le récit vaut surtout pour ce « challenge narratif » et l’immense soin apporté aux dialogues, qu’on croirait d’époque. Sur ce plan, il ravira sans doute les profs de français à la recherche d’une parenthèse autant récréative que pédagogique. En revanche, en ce qui concerne l’intrigue propre, c’est un brin trop alambiqué et historiquement pointu pour être tout à fait palpitant. Le dessin de Florent Calvez est également très sérieux, qui, de son trait réaliste ciselé, retranscrit admirablement les combats en armes et les abondantes manigances à travers le Paris et les costumes de la fin XVIIème. Un hommage original à un auteur de génie !