L'histoire :
Pour Rachel, Daniel et Élisa, l’été 1988 marque un tournant : le bac en poche, il va falloir penser à l’avenir et tracer sa voie. Celle de Rachel semble déjà bien balisée : Paris et de longues études pour une vie qui ressemblera à celle du milieu aisé dont elle est issue. Pas certain qu’Élisa, son amie, et Daniel, son amoureux, puissent désormais y trouver une place, eux qui resteront dans leur ville sans nourrir de grandes ambitions. Une année passe… Élisa et Rachel se retrouvent le temps d’une soirée, le temps de quelques reproches aussi : des regrets, des doutes, mais rien en tous cas ne pouvant entamer leur belle amitié. L’une est fatiguée, l’autre veut poursuivre la soirée avec Antoine, un quadra, à qui elle vient de voler un baiser par pari : les deux amies se séparent. Élisa se retrouve ainsi dans le centre ville, dans l’appartement d’Antoine pour terminer la soirée : quelques bouteilles, quelques amis aussi vieux que le locataire et des idéaux bien poussiéreux. Totalement inefficace aux yeux d’Élisa, pour alimenter la nuit. Le temps passe et il n’est plus question de rentrer : pas de bus et pas envie de se faire raccompagner par un barbu qu’elle ne sent pas. Élisa s’offre le reste de la nuit sur le canapé du salon. Le lendemain, elle regagne son domicile. Sa mère l’accueille en pleurant : Rachel a eu un très grave accident…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ses Lettres d’Agathe, explorant avec subtilité les rapports mère-fille, nous avait touchées. Nathalie Ferlut remet ici le couvert avec une intensité émotionnelle jumelle de celle suscitée par le précédent récit. D’ailleurs, en guise de clin d’œil, Agathe joue les guest-star, le temps de quelques planches, aux cotés d’Élisa pour ancrer l’opposition générationnelle qui balise le récit. Tout au long de l’histoire, en effet, notre blonde héroïne frottera ses doutes, ses non-envies et son joli corps à l’autre génération : les quadras, issus de 1968, encore pétris d’idéaux auxquels la « génération bof » d’Élisa ne demande qu’à croire, tardant à en percevoir le moindre des effets. Ce lourd héritage sert en tous cas à camper la personnalité complexe de ce bout de jeune femme, aussi malmenée par ce dernier que par les collisions perpétuelles de ses sentiments : amours et amitiés continuellement chahutés par l’impossibilité de quitter l’enfance ; l’avenir incertain et la douleur de la disparition d’un être aimé. Ainsi, en plus de 100 pages, nous nous laissons aller avec elle à ce doux pessimisme nourri de non-dits et rythmé par ses colères, son égocentrisme ou sa sensibilité à fleur de peau. Car là où Nathalie Ferlut emporte toute notre adhésion, c’est dans son incroyable façon de rendre touchante et attachante son ado : elle nous donne envie de l’aider à grandir, de la voir heureuse, enfin. Une manière de faire, qui au delà de la narration judicieuse, doit beaucoup à la qualité du dessin : un véritable pourvoyeur d’émotion, capable en un cadrage de nous faire fondre pour cette indécise gamine aux cheveux blonds.