L'histoire :
C’est dans un Montpellier futuriste que l’Erospital s’est érigé sous la baguette de la séduisante Jahida et du Docteur Sidibe. L’Erospital est un centre de thérapie dans lequel la sexualité est traitée, gérée, soignée et exacerbée. Dans une société où la ségrégation n’est pas raciale, ethnique ou religieuse, mais uniquement esthétique, la journaliste Ann Seymour va tenter de lever le mystère qui règne autour du prétendu suicide de Jahida, la co-fondatrice de ce centre qui rassemble une multitude d’interrogations autour du sexe, de sa perception et de la façon avec laquelle il procure plaisirs et tourments aux individus qui s’y rendent pour y suivre une thérapie souhaitée ou imposée. Le Docteur Sidibe, qui règne en maître sur les lieux, va, au fil de l’enquête, révéler une personnalité bouleversante. Car, finalement, ce ne sont pas toujours les plus beaux qui gagnent et les plus laids qui perdent. La quête de l’hédonisme n’est pas uniquement réservée aux élites. Même si la vérité est souvent plus douloureuse que le mensonge…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A une époque où les libertés individuelles sont bafouées en raison d’une vilaine pandémie mondiale, le contrôle de l’intimité sexuelle par une autorité dont la légitimité reste à démontrer, résonne particulièrement fort. En effet, Even est un traitement pour soigner, éveiller, exacerber ou cadenasser une sexualité sans limite. Le sujet force le lecteur à se demander jusqu’à quel point il pourra encore… jouir de sa liberté de penser, de fantasmer. Le scénario a donc un sens particulier, d’autant que l’histoire oppose les « beaux » aux « laids » ; une ségrégation qui, si elle n’est pas raciale ou religieuse, n’est finalement, elle aussi, que le délire d’esprits mal intentionnés. On s’interroge aussi sur le rôle réel tenu par la… belle journaliste Ann Seymour, qui renvoie sur le rôle joué par les médias et leur éventuelle manipulation dans la société actuelle. L’information est-elle celle que l’on nous livre ? Le sentiment de complotisme élaboré dans cet album ressemble plutôt à une fiction, même s’il a ses parts de vérité souvent moins séduisantes que le mensonge. Côté dessin, on apprécie les traits très expressifs d’Alexei Kispredilov et les noirs qui sont d’une infinie beauté. Le duo avait d’ailleurs déjà collaboré sur la série Rosko (2 volumes). Malheureusement la mise en couleur, trop sommaire, vient embarrasser la lecture de cet ouvrage audacieux. Les textures jaunes orangées veulent partager un sentiment de chaleur, mais elles empêchent la nuance des décors et des personnages qui habitent ces lieux. L’idée qui est née autour de ce projet est juste géniale mais, malheureusement, les questions qu’il soulève restent sans réponse et le lecteur quelque peu sur sa faim.