L'histoire :
Jusqu’alors réputée pour être hypocondriaque et casanière, la suissesse Ida s’est découverte subitement une passion dévorante pour l’exploration coloniale. De Marseille à Tanger, elle a poursuivi jusqu’au Dahomey (actuel Bénin) et s’est mise en tête de défricher la voie pour Brazza ! Elle renouvèle régulièrement son équipe de porteurs, et avance sans se poser de questions à travers la jungle sauvage. Chemin faisant, elle envoie régulièrement ses récits de voyage et ses « inventaires » à sa sœur, qui les fait publier en Europe. Et son livre connait un joli succès, notamment lors de l’exposition universelle parisienne de 1889. Ida explore toujours plus en amont les terres africaines. Toujours en compagnie de Fortunée, une fausse ingénue mais une vraie poète grassouillette, la voilà qui accoste un comptoir allemand s’occupant de négoce d’épices. Ida est agacée par Fortunée et elle ne se prive pas pour la remettre en place. D’ailleurs, elle l’abandonne aux allemands pour poursuivre seule son exploration, prétextant vouloir voir des hippopotames. Au gré de ses rencontres, elle accepte l’invitation du roi Béhanzin à sa cour, pour une rencontre qu’elle imagine révérencieuse, voire fastueuse. Hélas…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les frissons des grandes explorations du XIXe siècle sont convoqués au sein de ce second tome, qui rappellera par bien des aspects le célèbre roman de Joseph Conrad Au cœur de ténèbres. En point d’orgue de son aventure, notre héroïne corsetée et pomponnée subira en effet une expérience particulièrement macabre, qui fait un sauvage contrepied au milieu policé dont elle est issue. Auteur(e) complète, Chloé Cruchaudet, fait donc de nouveau preuve d’un humour fin et subtil, tout en « s’amusant » des fantômes du colonialisme, que notre époque maltraite régulièrement. Néanmoins, nulles leçons ou complaisances particulières sont à retirer de l’exploration africaine à laquelle se livre cette helvète du grand monde. Malicieux et emprunts d’un cynisme exquis, les dialogues et voix off sont particulièrement soignés. Sur chaque expérience de son périple, Ida pose un regard façonné par ses conventions sociales occidentales… et les conclusions totalement décalées et pétries de certitudes qu’elle en retire, sont franchement bidonnantes. Chloé Cruchaudet trace donc sa route en marge des canons du 9e art et impose son style très personnel. Ce second tome d’Ida (sur 3 prévus) confirme tout le talent d’une auteur(e) qui fait assurément partie des meilleurs artisans de la « nouvelle BD ». Tantôt épuré, tantôt plus spectaculaire, son dessin fera peut-être grincer quelque amateurs des lignes classiques, mais il s’impose parfaitement adapté, original, artistique et finalement très agréable à suivre.