L'histoire :
Suissesse de noble condition, l’ingénue Ida s’est prise de passion pour la grande aventure en terres africaines. De ravissements en situations délicates, la dangerosité de son périple a toutefois culminée lorsqu’elle fut « invitée », seule, à la cour du roi du Dahomey. Après avoir assisté à un abominable massacre, elle a été paradoxalement libérée… mais elle en est sortie démente, en proie à un profond traumatisme. La voilà recueillie par une congrégation de sœurs missionnaires, qui l’emmène plus au sud, elle et son amie Fortuné, jusqu’au Congo français. Psychologiquement perturbée, Ida cherche toujours à retrouver cette merveilleuse et évanescente sensation d’enfance, qu’elle avait éprouvée dans un pavillon africain de l’exposition universelle. Il faudra attendre les festivités organisées par les indigènes à bord de leur bateau, à l’occasion du passage de l’équateur, pour qu’Ida parvienne à recouvrer la raison. Le lendemain, Ida et Fortuné débarquent dans un comptoir français. Toutefois, elles sont désormais sans ressource et n’ont d’autre choix pour survivre que de demander l’asile aux nonnes. Les voilà affublées de toges monacales, en route vers l’intérieur des terres pour évangéliser quelques tribus, en marge de la construction de la ligne ferrée Congo-Océan…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A travers le périple africain d’Ida, une suissesse tout à la fois instruite, ingénue et dilettante, Chloé Cruchaudet poursuit sa subtile petite histoire du colonialisme impérialiste, tel qu’il fut pratiqué par les français et les belges, à l’aube du XXème siècle. Au début de ce troisième et dernier volet, on retrouve logiquement notre héroïne complètement zinzin, après une expérience traumatisante au Dahomey. Elle recouvre cependant vite la raison, pour nous emmener découvrir un autre épisode hideux de la colonisation : la construction de la ligne Congo-Océan, à grand renfort d’évangélisation (pertes humaines estimées : 17 000 morts !). La plus-value et l’originalité de la série tiennent de nouveau avant tout dans le ton aigre-doux des dialogues. Les pires horreurs glissent sur les héroïnes, qui se raccrochent avec beaucoup de finesse – et d’humour ! – sur leurs petites préoccupations féminines et mondaines… Le dessin et son inhérent découpage séquentiel se révèlent également modernes, novateurs, appropriés au sujet et parfaitement inventifs. Bref, Ida appartient sans doute à ce qui se fait de mieux en matière de « nouvelle BD ». Exquise pour la finesse de ses dialogues et son humour, pédagogique par sa démarche mémorielle, intéressante pour son traitement graphique et séquentiel, Ida est désormais une bien chouette trilogie alliant aventure, Histoire et humour. Une œuvre rare qui mériterait d’être plus largement reconnue et encensée.