L'histoire :
Au début du XVIème siècle, Christophe Colomb est persuadé que la Terre est ronde et qu’il est possible d’ouvrir une nouvelle voie de navigation vers l’Ouest… pas forcément pour toucher l’orient et les Indes, mais pour découvrir la 4ème partie du monde inexplorée dont parle Isidore de Séville dans ses écrits. Selon ses calculs, 30 jours de navigation devraient suffire. Or le royaume l’Espagne a été rudement affaibli par les attaques des Maures : le roi Ferdinand est mort sur le champ de bataille, en compagnie de tous ses chevaliers. Colomb démarche donc le royaume de France pour financer ce voyage. Mais le trésor royal est vide… a contrario de celui de l’Emir de Cordoue, prospère. Colomb se convertit donc à l’Islam et convainc les mahométans de tenter l’aventure. Il recrute son équipage au port de la Corogne et les convainc de la rondeur de la Terre avec de simples expérimentations. Toutefois les français ne sont pas fous et infiltrent un espion au sein de l’équipage de celui qui se fait désormais appeler Abdel Colomb. Deux qarib (caravelles) partent donc vers le ponant et touchent Terre en l’an 897 de l’hégire (+ 622 = 1519 de notre ère chrétienne ?). Or tandis qu’ils explorent l’intérieur des terres sauvages, leurs deux navires sont rapidement détruits par des « démons cornus »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’idée de base pour cette 13ème « réécriture uchronique » (le principe des Jour J) est une nouvelle fois géniale. Malheureusement, sa mise en œuvre souffre – comme à chaque fois – d’un déficit de fluidité et d’empathie pour les personnages. Ici, Christophe Colomb a donc dû se convertir à l’Islam pour permettre à son formidable périple vers les Amériques d’être financé. Comme un pied de nez aux « néo-croisades » actuelles entre intégristes islamiques et puissance occidentale, ce sont donc les musulmans qui prennent possession du Nouveau Monde ! Mais ce n’est pas la seule surprise de l’aventure d’Abdel Colomb : des « démons » hanteraient-ils ce nouveau continent ? Par souci de préserver un peu de suspens, on n’en dira guère plus. Malgré sa distanciation et son rythme un brin laborieux, cette aventure se révèle donc pleine de surprises et d’astuces (vers quel coin d’horizon tourner les tapis de prières vers la Mecque ?). Emem en assure le dessin, à partir de son style réaliste encré très travaillé et détaillé. Le dessinateur passe ici avec aisance des ambiances futuristes (Idoles, Carmen McCallum) au registre historique. En dépit de quelques sautes de régularité (ex : la p.23 est soudainement plus « épaisse »), certaines séquences de combat (vers la fin) acquièrent sous ses crayons le souffle épique réclamé par cette uchronie ambitieuse, qui tient ses promesses…