L'histoire :
1972, Dallas, USA. Chris French, un marine américain avec une carrure de tête brûlée, se prépare à exécuter une mission top-secrète. Il s’arrête dans un snack, repère son contact : un (faux) shérif moustachu. Puis il se rend aux toilettes. Derrière la grille de ventilation, il trouve le sac avec le fusil à lunettes. Il paie et part accomplir sa besogne. Né en 1944, Chris French est le fils d’un alsacien enrôlé « malgré nous » au sein des SS et appartenant néanmoins au cercle rapproché du führer. Emigré aux USA à la fin de la guerre, le fils French est un rebelle. Il participe à des émeutes avec les Hells Angels et s’enrôle avec eux en 1965 pour le Vietnam, dans ce qu’on appelle la « brigade de l’enfer ». Véritable barbouze, il accomplit quelques faits de guerre avant d’être inculpé pour avoir flingué un camarade. Il écope de 147 années de prison. Il est pourtant libéré 3 ans plus tard, officiellement pour « vice de forme »… Un agent de Kissinger lui explique néanmoins, à sa sortie de prison, que c’est un petit arrangement et qu’on attend quelque chose de lui en retour. En effet, en cette ère parallèle, Richard Nixon a battu John Fitzgerald Kennedy à l’élection présidentielle de 1960, puis il a même été réélu en 1964. Dicky, comme on le surnomme, a ensuite proposé un vote aux deux chambres du Congrès, pour être autorisé à briguer un troisième mandat en 1968…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Qui a tué le président ? est sans doute l’uchronie la plus aboutie jusqu’à présent de la série Jour J. Rappelons que celle-ci propose, en plusieurs récits indépendants, de réécrire l’Histoire à partir d’hypothèses divergentes et donc d’évènements parallèles. Le registre de l’uchronie permet cette fois au tandem de scénaristes Pécau-Duval de jouer sur le mythe de l’assassinat de Kennedy : même lieu, même tireur embusqué, même complot politique embrouillé… à la différence qu’il redistribue totalement les rapports de force. En cette ère parallèle, la guerre du Vietnam s’est en effet orientée vers un front différent… les dossiers brûlants de Hoover ont atterri entre d’autres mains… JFK n’a pas été élu… heureusement, les magouilles de Kissinger influent toujours sur la politique extérieure sulfureuse des USA. Jean-Pierre Pécau a certes toujours tendance à compliquer la narration, mais les flashbacks et flash-forwards entrecroisés trouvent cette fois leur raison d’être la gestion du suspens. Car à vrai dire, si on se doute d’emblée de Qui a tué le président, la véritable question, qui perdure longtemps, consiste à savoir de quel président il s’agit… Ces petits arrangements avec l’Histoire s’avèrent jubilatoires auprès des lecteurs qui connaissent un tant soit peu la géopolitique (américaine) de la seconde moitié du XXe siècle. En outre, les encrages réalistes de Colin Wilson sont de très haut vol. Cadrages, profondeurs, plans multiples et détaillés, équilibre des masses… du grand art, qui rend cette lecture à grand spectacle très agréable, pour un large public, et se complète idéalement de la colorisation experte de Jean-Paul Fernandez.