L'histoire :
Un homme sans nom travaille en solitaire aux enfers. Son boulot : brûler les livres apocryphes ou blasphématoires qu’il n’a pas besoin de lire – il ne sait pas lire de toutes façons – pour savoir qu’il doit les détruire. Un matin, il trouve une porte entrouverte qu’il n’avait jamais remarquée. Il hésite une seconde puis décide de l’emprunter. En haut d’un escalier, il rencontre un architecte un peu paumé. Ils échangent quelques mots et font quelques pas au sein de cette étrange et gigantesque cathédrale. Puis ils se séparent, l’architecte ayant retrouvé sa « crypte des écritures aux plans », l’homme poursuivant son ascension en notant le chemin parcouru sur un registre, pour ne pas se perdre. Il croise alors un sonneur de cloche dont le mouvement de balancier lui donne la mesure de la hauteur vertigineuse du bâtiment au sein duquel il évolue. Imperturbable, des années durant, l’homme poursuit ainsi son ascension, gravissant progressivement cet escalier sans fin, côtoyant tantôt des physiciens, tantôt des tailleurs de pierre, et en retirant à chaque fois un apprentissage riche de sens…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Parallèlement au développement des aventures de Julius Corentin Acquefaques (5 tomes chez le même éditeur), Marc-Antoine Mathieu réalisait des histoires brèves. Voilà enfin réunis en recueil 7 récits brefs (de 2 à 5 pages) et un plus long de 19 pages (L’ascension), dessinés en noir et blanc, et co-écrits avec son frère Jean-Luc. D’un point de vue graphique, la griffe de l’artiste se reconnaît entre mille : Mathieu joue toujours ingénieusement avec cette esthétique claire obscure qui n’appartient qu’à lui. Toutefois, il est ici moins question de mises en abyme du support « bande dessinée », que de petites saynètes profondément noires. Mieux vaut avoir la pêche pour se lancer dans ces allégories tantôt métaphysiques, tantôt simplement pessimistes. Le sens de la vie, le temps qui passe, le vide insupportable que laisse la perte d’un proche, la solitude… Autant de thèmes moroses abordés par une voix off non moins cafardeuse. Ces « essais graphiques » témoignent néanmoins d’une véritable démarche intellectuelle et artistique, comme toujours chez Mathieu.