L'histoire :
A Bamako (Mali), tout le monde connaît Sibidié le griot et il connaît tout le monde. En plus d’être griot, l’homme est aussi photographe, l’appareil toujours au cou prêt à servir. On dit qu’il a du talent. En tout cas, lui le dit. Car ses photographies se vendent chères. Sibidié aime en effet prendre des clichés de courses organisées « clandestinement » contre pot de vin à l’officier de police local. Dans ces courses s’affrontent des mutilés qui, contre leur participation, espèrent une gloire éphémère et – surtout – la livraison de chaises roulantes au dispensaire local. Un fauteuil, un luxe ! Les photographies prises par Sibidié, en plus d’être chèrement monnayées, lui confèrent donc un statut d’importance auprès de ses amis. Il fait œuvre humanitaire en plus de se servir lui-même. Son activité de photographe sert aussi les intérêts des autorités. Sibidié saisit parfois sur le fait des personnalités en « flagrant délit » (comprenez, en position gênante). Voilà qui lui rapporte quelques CFA mais aussi des ennuis. Ce jour, la police est venue le chercher chez lui. Le commissaire s’intéresse de près à un certain Libanais qu’il croit connu du griot…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans la droite lignée – le même esprit – que son précédent diptyque (Les Epines du Christ), Arnaud Floc’h nous revient avec un One-Shot cette fois, dans la collection Mirages chez Delcourt. Même ambiance « noire », même intrigue pesante. Narrateur coupable, Sibidié est un griot qui s’est inventé photographe et monnaye ses clichés contre faveurs et argent, faisant ainsi son bonheur présent et, sans le savoir, son prochain malheur… Arnaud Floc’h installe pas à pas son histoire comme il est de coutume chez lui. Plus intéressé par la restitution d’une atmosphère que par l’invention de rebondissements fictionnels, il dresse un tableau saisissant d’une ville – d’une réalité malienne qui le passionne – et ses habitants. Breton tombé amoureux d’une Afrique où s’invente un autre visage de la modernité, l’auteur souligne avec soin les contours de ce qu’il connaît. La mise en couleurs proposée apporte chaleur et présence à l’ensemble. L’absence de blanc (ou presque) renforce cette impression de densité, d’enveloppement. En fin d’album, figurent des illustrations annexes, preuves de l’important travail de documentation passionné. Si quelques réserves peuvent être émises quant à la conduite de l’intrigue (question rythme, par exemple), reste que la Compagnie des cochons vous offrira un appréciable moment d’évasion. Entêtant.