L'histoire :
A la mort du vieil Antonio, ses enfants désormais adultes, Vicente, José et Carla, héritent de la maison de campagne. Plusieurs mois après, une fois la succession réglée, José et sa compagne Sylvia sont les premiers de la fratrie à revenir dans la maison. Ça sent le renfermé, des feuilles mortes obstruent légèrement la porte de la cour, le volet coince et la chasse d’eau fuit. José et Sylvia entreprennent dès lors un grand rangement, dans le but de vendre cette maison construite à bas coût, avec les matériaux les moins chers. Ils sont là en éclaireurs : Vicente et Carla prendront le relais un peu plus tard. En observant le jardin en friche, José s’agace. Il découvre en effet que les coupures de journaux qu’il avait laissées à l’intention de son père – celles qui parlent de son roman – ont été utilisées par ce dernier pour protéger les grappes de raisin des oiseaux. Dès le dîner, au moindre objet sur lequel se posent ses yeux, José prend la mesure de la difficulté de l’exercice de rangement. Chaque chose, même les plus futiles, lui rappelle un souvenir d’enfance au côté de son père…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La maison est une histoire simple, un peu triste, terriblement commune, mais surtout qui transpire incroyablement l’authenticité. Paco Roca relate ici l’attachement d’une fratrie (deux frères et une sœur) pour une Maison de campagne que leur père, récemment défunt, a patiemment entretenu durant toute sa vie. On découvre d’abord un des frères en solo, venu pour commencer le rangement et les réparations, dans le but d’une vente. Logiquement, les flashbacks surgissent pour illustrer le passif de chaque élément abordé : le tuyau d’arrosage, la brique de lait, l’amandier à tailler… Puis un autre frère prend le relais, dans un état d’esprit différent, mais avec le même affect pour ce lieu. La nostalgie est l’ambiance de fond, les souvenirs affluent en cascade au gré des éléments mis en évidence, la psychologie des personnages et la nature de leurs relations se dévoilent équilibrés et touchants. Cela ne raconte pas grand-chose d’autre… et pourtant on ne s’ennuie jamais. L’auteur espagnol confirme son grand savoir-faire en matière d’émotion à fleur de peau, mais dénuée de pathos, lui qui a déjà abordé la maladie d’Alzheimer avec autant de sensibilité (dans Rides). Vue la photo qui termine les 122 pages, il y a de grandes chances que cette histoire découpée et publiée à un format « paysage » soit pour partie autobiographique. Soulignons au passage que ce format peu couru permet à l’auteur de se livrer à un découpage non-conventionnel, qui ajoute une touche d’originalité : l’œil hésite tantôt à descendre dans la case du dessous ou vers celle de droite… Juste et sobre, son dessin semi-réaliste a le souci du détail tout en s’imposant d’une grande fluidité.