L'histoire :
Recherché pour le meurtre du mari de sa maîtresse, l’avocat new-yorkais Nigel Byrn est appréhendé par la police. L’arrestation tourne mal et alors qu’il prend un flic en otage, un tireur d’élite lui fiche une balle dans l’épaule. Dans l’ambulance qui le convoie à l’hôpital, il entre en contact, entre la vie et la mort, avec l’entité fantomatique de Kirstie, son ex, au sujet de laquelle il mène justement d’étranges investigations. Car depuis des années, Kirstie semble disparaitre de la surface de la planète, puis réapparait sous un autre nom, vivant consécutivement plusieurs vies. Cette apparition d’outre-tombe l’incite à se battre et à peine arrivé à l’hôpital, Nigel sort du coma et s’évade. Il se rend alors chez Sarah, sa maîtresse, la véritable meurtrière de son époux, pour avoir une petite explication. Saoule, cette dernière lui tend un piège : elle sait que Kate, l’épouse de Nigel, doit arriver d’un moment à l’autre, elle aussi pour avoir une explication. Au moment où Kate pénètre dans l’appartement, Sarah s’arrange pour être dénudée dans les bras de Nigel. Son sang ne fait qu’un tour : elle sort un révolver et flingue Sarah.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Aucune vision de corps décharnés dans cet épisode, moins « terrorisant » que les précédents. Le thriller se poursuit ici tout d’abord en amplifiant l’histoire de mœurs. En cavale, le couple Byrn poursuit ensuite des investigations bien cartésiennes sur l’existence d’un plan parallèle fantastique. Plus que jamais, on comprend que cette Kirstie qui vit entre deux mondes n’est qu’un prétexte pour Eric Corbeyran de faire découvrir son véritable coup de cœur en matière d’art contemporain : les toiles peintes par l’artiste Jean-Pierre Ugarte, représentant un inquiétant Territoire, chaotique et dantesque. Au terme de ce 4e volet, un cahier spécial commenté par le scénariste fait un zoom sur cette œuvre énigmatique représentée dans de nombreuses cases. Habilement, Corbeyran y explique avec plein de mots qu’aucun mot ne suffit à les décrire. Dans la fiction BD, que ces œuvres ont inspiré chez le prolifique scénariste, on sait à présent qu’il faut y voir des paysages de l’apocalypse. Le dessin d’Espé est hélas un peu étouffé par la puissance de l’œuvre d’Ugarte, de plus en plus présente au fil des albums. Loin d’être un faire-valoir, Espé fournit pourtant des planches réalistes rigoureuses, mises en couleurs par les savantes palettes de Christian Favrelle. Au-delà du thriller fantastique, Le territoire est donc un biais comme un autre de faire découvrir une œuvre contemporaine remarquable et envoûtante. En ce sens, le but de Corbeyran est largement atteint. Et l’on rêve d’une suite qui pourrait être fascinante : les personnages traversant la toile et passant dans ce décorum apocalyptique…