L'histoire :
Le 15 avril 2019, Paris et le monde entier sont en émoi devant le spectacle dramatique de la cathédrale Notre-Dame de Paris en flamme. Presque 1000 ans d’histoire risquaient d’être réduits en fumée. Pourtant l’édifice avait jusqu’ici survécu à bien des tumultes, entre caprices de rois, colère des révolutionnaires, mais aussi désintérêt du peuple et des politiciens. Au point que sa démolition fut même envisagée au début du XIXème siècle, et heureusement sauvée en partie grâce à un livre, Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo. À ses côtés, Prosper Mérimée, bientôt inspecteur général des monuments historiques. Ils ont face à eux les élites des académies des arts, tous fervents passéistes et adeptes du renouveau des temples grecs antiques contre l’architecture gothique du passé, jugée barbare. Pour eux, l’homme de la situation sera alors Eugène Viollet-Le-Duc, un dessinateur amoureux des vieilles églises, que Mérimée va envoyer faire ses classes en rénovant la Madeleine de Vézelay. Ce n’est qu’ensuite, associé à Jean-Baptiste Lassus et au sculpteur Geoffroy-Déchaume, et entouré des meilleurs ouvriers, qu’il s’attaque à l’énorme tache de restauration de Notre-Dame, qui sera l’aboutissement de son œuvre. Il entreprend alors de réparer l’édifice sans le modifier, mais surtout en recréant ou en inventant parfois ce qui avait disparu, jusqu’à recréer la flèche existante et les rosaces du XIIème siècle. Et pour en retrouver l’état initial, il n’hésitera pas à copier ceux des édifices de la même époque tout en utilisant parfois des moyens modernes, bien dissimulés, pour un rendu authentique. Mais quand l’argent vient à manquer, Viollet-Le-Duc doit aussi savoir se faire homme politique pour obtenir, soit du prince-président, puis empereur Louis-Napoléon Bonaparte, soit de l’Assemblée ou du clergé, les budgets nécessaires à son entreprises. Il lui faudra finalement 20 années pour accomplir l’œuvre de sa vie et devenir, en quelque sorte immortel, à l’image de la cathédrale.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
À découvrir sans cesse de nouvelles collections historiques, vantant ici « les grands personnages », et là Les grandes batailles navales, ou encore Les ailes de légendes, on peut se dire que l’Histoire a le vent en poupe en matière de bande-dessinée. Et c’est tant mieux, face au vent parfois malsain de certains qui voudraient s’approprier l’Histoire. Quant à s’attaquer aux Grands bâtisseurs, il y a un pas que nous n’aurions pas forcément franchi. Et pourtant, avec l’histoire de l’un des plus célèbres d’entre eux, Salva Rubio au scénario, Ocaña aux dessins et Maz! aux couleurs, réussissent le pari de nous tenir en haleine tout au long des 64 pages de cet album, haut en couleurs. On y (re)découvre l’histoire hors du commun d’un homme (mais un peu aussi celle de Prosper Mérimée) indépendant et rebelle au mouvement artistique de son époque, au point de refuser d’entrée à l’école des Beaux-Arts, synonyme pour lui de « formatage ». A cela, il préfère apprendre de par lui-même en visitant, sauvant et dessinant d’innombrables édifices, afin de s’en faire un « catalogue » de l’art gothique, alors en pleine disgrâce. On apprend également qu’il fut à l’origine de nombreuses restaurations de bâtiments dans tout le pays, dont la citadelle de Carcassonne, et que sa vie familiale faillit en pâtir. Et tout cela nous est parfaitement retranscrit avec des personnages très agréables, des dialogues jamais pesant, même lorsqu’il s’agit de technique, et des « prises de vue » magnifiques sur Notre-Dame. L’album se complète par quelques pages d’un lexique qui nous en dit plus sur les hommes qui ont refait Notre-Dame, dont l’oublié Jean-Baptiste Lassus, mais aussi le choix du scénario, justement voulu léger. C’est donc avec impatience que nous attendrons 2024, afin de retourner visiter la Cathédrale de Paris, devant être une nouvelle fois restaurée, « à l’origine ».
