L'histoire :
Comme les petits filets d’eaux font les grands torrents, les petits riens de la vie d’un dessinateur sont les miroirs de notre quotidien… On porte ses yeux sur les tenues vestimentaires de ses contemporains pour noter leurs paradoxes : un Tee-shirt portant l’inscription « Super Sexy » jumelé avec le gros bouton sur le nez de sa propriétaire ou le polo « Batman » porté par un mec au pied plâtré… On se délecte, aussi, de ces moments où au chaud dans ses chaussons, on combat une gorge qui pique avec un grog au miel… en pensant à la salive des milliers d’abeilles qu’il a fallu pour le fabriquer. Et quand on se décide, après 3 ans d’abstinence à retourner faire un tour devant la pizzeria, on trouve le patron vieilli. Mais on imagine qu’avec la drôle de tête qu’il fait en nous reconnaissant, ce sacré coup d’vieux est amplement partagé… En s’autorisant un instant de bonheur pour avoir réussi à attraper un vol en pleine grève à Air France, on n’imagine pas combien il sera de courte durée, puisque quelques minutes plus tard on apprend brutalement que l’hôtesse chef de cabine s’appelle Martine Espèrendieu : Hallelujah ! Des petites babioles du quotidien, de la Réunion aux Fidji, en passant par un prestigieux festival de BD, qui rendent curieux et continuent de faire grandir pour mieux rester un gamin…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En quelques morceaux choisis de son existence, le cultissime Lewis Trondheim accepte de nous faire partager sa philosophie de l’existence : une accumulation de peccadilles qui construisent une vie bien remplie. Ah ! Évidemment pas celle du héros qu’il continue de rêver d’être, comme lorsqu’il était petit garçon, mais une bien agréable quand même, qui laisse suffisamment de place à son immense curiosité et son sens inné de l’observation. Car c’est bien là que ce petit recueil engrange tous les points : on se surprend à la fin de chacune des planches à retrouver un peu de nous-mêmes dans le quotidien du monsieur (un petit rien à nous, que celui de partager les mêmes trucs que ce génie de la BD). Certes on peut toujours reprocher à l’auteur le côté minimaliste de l’ouvrage, le fait de nous livrer quelques banalités en 4 ou 5 dessins, mais l’art qu’il a de condenser ses observations a rarement était aussi bon. Le dessin est plutôt soigné, le travail à l’aquarelle efficace pour une mise en page judicieuse, conférant à ce journal une incroyable douceur. Notons que cet album est une compilation des productions du blog de l’auteur : des planches qui, par magie, s’effacent avec le temps, comme si l’on voulait bien nous rappeler que ces petits riens ne méritent pas d’encombrer nos souvenirs trop longtemps…