L'histoire :
Ce jour là, dans la charmante bourgade rurale des Bombinettes, monsieur le maire (divorcé) Raymond Orloff est occupé à faire son repassage, lorsqu'on le hèle par le fenêtre. C'est le père Nobel, patron du « Bar du coin », qui se plaint car quelqu'un lui a volé le « i » de son enseigne... Le temps de s'esclaffer dans son épaisse moustache et le maire oublie que son écharpe bleu-blanc-rouge se trouvait sous le fer... Il s'en affuble tout de même – elle a une belle empreinte cramée au milieu, de la forme du fer – et descend aider le cafetier. Monsieur Orloff croise alors mademoiselle Hortense, qui lui rappelle sa demande de subvention pour son école de peinture... Pétri d'arguments rétrogrades, il l'envoie paître poliment. Puis il s'emploie a confectionner un « i » rose immonde dans un morceau de planche, pour corriger l'enseigne de son ami. Le lendemain, c'est jour de marché. La jeune et ingénue Amandine file à travers les vignobles, à bord de sa camionnette rose, pour se rendre aux Bombinettes. Elle use alors de son charme pour éviter l'amende pour excès de vitesse que deux gendarmes s'apprêtaient à lui coller. Puis au village, elle installe son stand... ce qui met les vieux administrés d'Orloff particulièrement en émois. En effet, ce que vend la gentille Amandine dans sa camionnette rose, ce sont des sex-toys...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour Turf, le challenge était de taille : que faire après 17 années entièrement dédiées aux albums de sa Nef des fous et ses produits dérivés ? Avec un titre pareil, Magasin sexuel, sa nouvelle trilogie aurait de quoi désarçonner les fans les plus fervents. Les amateurs d'érotisme peuvent néanmoins se rhabiller : ce projet étonnant et plutôt séduisant s'appuie de nouveau sur un ton léger et une ambiance bon enfant. Ici, l'idée centrale propose de confronter deux conceptions de société radicalement opposées : la vieille France de Jacques Tati, champêtre, paisible, rétrograde, et les moeurs débridées de l'époque actuelle, jeune et décomplexée (mais si voyons : aujourd'hui, tout le monde a un sex-toy sous l'oreiller !). Pour soutenir son propos, Turf n'hésite pas à faire dans l'outrance anachronique : le maire Orloff est une caricature rurale et franchouillarde encore bien ancrée dans les années 50 (il est le sosie du maire de Champignac dans Spirou et Fantasio). Mais finalement, peu importe l'épaisseur des ficelles : l'idée originale est culottée et ambitieuse, le boulot préparatoire en amont pour mettre en place le concept et l'univers s'avère sérieux, tout comme le dessin, dans la ligne graphique de La nef, parfaitement abouti... Logiquement, le résultat reste frais, malicieux, sans prétention, très agréable à suivre, alors qu'il y avait largement de quoi se prendre les pieds dans le tapis. Reste encore à la série à trouver son public, ce qui, vu le concept entre deux eaux, n'est peut-être pas gagné d'avance...
